120 entreprises ont postulé au Tourist Experience Challenge de la SNCF pour présenter leurs idées capables d’améliorer les déplacements des usagers en Île-de-France. 8 ont été retenues pour une dernière étape où elles ont pu affiner leurs projets de collaboration avec les équipes de la division Transilien avant de les présenter à un jury final. Résultat : 2 projets lauréats ont obtenus un contrat de 25 000€ avec la SNCF pour être mis en production.
Le premier, proposé par la société Pack-Editions.fr, permettra de traduire les écrans d’informations du réseau dans différentes langues. Les modalités d’utilisation en situation réelle sont encore obscures. Le second projet, mené par Hurikat, (anciennement J’aime Attendre), devrait fournir aux usagers de la SNCF les itinéraires possibles pour aller d’un point A vers un point B, via une application mobile dédiée.
des résultats qui laissent sans voix
Dépassé l’ironie d’avoir effectué un appel à projet pan-européen et avoir 2 startups françaises lauréates, les résultats sont très pauvres en terme d’innovation et d’expérience proposée : la traduction de contenus et l’aide à l’utilisation des moyens de transport n’ont rien de nouveau. Le choix de ces projets pose une question de fond sur le niveau de compréhension du numérique dans le jury final et l’attractivité de la SNCF pour les startups.
Si les sujets traités sont suffisamment intéressants pour être élus, pourquoi attendre une compétition startup pour travailler avec des jeunes pousses ? Et comment peut-on donner 6 mois à des entreprises aussi petites pour déployer des projets stables quand il est question de sujets aussi complexe sur le plan du déploiement sur lieu physique (Pack-Editions passe par des bornes physiques) et d’algorithme de recommandation pour la navigation ?
Un open-bar pour les entreprises en manque d’innovation ?
Le procédé Open Innovation est intéressant à de nombreux niveaux : il facilite la diffusion des innovations technologiques et d’usage entre différents acteurs du même secteur. Dans le cas du Tourist Experience Challenge, les propositions d’amélioration de l’expérience d’utilisation du Transilien sont très en retard par rapport aux habitudes des utilisateurs. En admettant qu’il faut être un « tech savvy » (amateur de technologie) pour utiliser ces services, il y a déjà une énorme concurrence sur les sujets ciblés. À commencer par Word Lens pour la traduction des textes, et CityMapper pour l’aide au déplacement urbain.
L’exemple de ce challenge démontre que la SNCF a perdu pied face à l’évolution technologique et l’avance des consommateurs face à elle.
L’exemple de ce challenge démontre que la SNCF a perdu pied face à l’évolution technologique et l’avance des consommateurs face à elle. L’utilisation à tort et à travers des compétitions startups et autres hackathons (compétition visant à créer une idée d’entreprise et son prototype de service en 48h-72h) démontre que les responsables de l’innovation sont à la peine.
Certes, le champ des possibles s’est de plus en plus élargi, mais c’est à ce moment précis qu’il faut avoir une connaissance fine des besoins et des comportements de ses clients. Connaissance qui permet de poser les bonnes questions, de définir clairement les attentes et ainsi d’éviter des résultats comme celui de la SNCF et la déroute à venir des startups qui sont sélectionnées.
des concepts publicitaires nouvelle génération
Car rares sont les exemples de compétitions de startups qui accouchent de succès. Non pas qu’il ne soit pas possible d’en sortir de belles choses, mais parce que les entreprises ne les utilisent pas correctement :
- ce sont souvent les directions marketing / communication, voire celles des ressources humaines, qui gèrent ce genre d’événement
- le partage d’informations internes est trop limité pour que les entreprises puissent proposer des solutions adaptées et durables
- les dotations proposées sont en total décalage face aux besoins réels qui devraient être anticipés
Les actions comme le Tourist Experience Challenge sont donc pleines de bonne volonté mais complètement hors sol. Un tel événement a pu être facturé entre 75 000€ et 150 000€ à la SNCF, hors dotations. Et ce qui a démarré par un concours européen a accouché d’une souris : 2 projets franco-francais sur des expériences sans valeur ajoutée et des grandes difficultés à prévoir pour leur déploiement. Seul bon point pour la SNCF dans ce tableau sombre : ces deux projets « test » ne vont coûter que le quart d’un des projets si cela avait été pris en charge par une société classique. Nous ne l’espérons pas, mais le résultat a de grandes chances de mettre à genou les porteurs de projet.
On peut tirer de tout cela deux conclusions. La première, ce serait de conseiller aux startups de passer leur temps à chercher des clients plutôt que de participer à ce genre de concepts publicitaires proposés par des entreprises qui ne connaissent pas les réalités du terrain. La deuxième, ce serait d’inviter ces entreprises à mieux préparer leurs programmes d’Open Innovation pour tirer de réels avantages des collaborations avec les jeunes pousses. Il reste du boulot.
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