Le Financial Times publie cette semaine un article sur Spotify, dont le co-fondateur Daniel Ek défend le modèle économique attaqué récemment par Warner Music Group. La major américaine reproche aux services de streaming gratuits comme Deezer, Jiwa et Spotify qu’ils ont pourtant autorisé de « cannibaliser » le marché de la vente de musique en ligne. Musically indique à ce propos qu’une étude du cabinet NPD démontre que les utilisateurs de services de musique en ligne gratuits achètent moins de musique en ligne.
Spotify s’en défend. « Nous sommes très prometteurs. Nous sommes déjà l’un des plus gros comptes de beaucoup de maisons de disques« , assure ainsi Daniel Ek qui se dit « convaincu » que Spotify « prend des pirates et les fait bouger vers un service légal« . Sur 7 millions d’utilisateurs inscrits, environ 250.000 sont abonnés à la formule payante à 9,99 € par mois, qui permet aux internautes de recevoir une musique de meilleure qualité sonore sans publicité. Mais ces abonnés-là ne sont-ils pas ceux qui, auparavant, achetaient plusieurs albums chaque mois ?
Deezer aussi avait tenté de se défendre en s’affichant plein de fierté comme le premier affilié iTunes de France. Mais la plateforme n’avait pas dit en volume combien de ventes elle avait ainsi apporté à la plateforme d’Apple. Etre le champion des imbéciles ne fait pas de soi quelqu’un d’intelligent. Etre le meilleur des apporteurs d’affaires d’iTunes ne fait pas de soi un gros apporteur d’affaires.
Serait-ce donc vraiment surprenant qu’effectivement ce genre de services « cannibalise » le marché de la vente de musique en ligne ? Nous avons toujours défendu sur Numerama l’idée que le P2P aidait à vendre de la musique, au même titre que la radio ou la télévision. Mais nous avons toujours défendu parallèlement l’idée qu’un fichier de musique ne se vendait pas. Ce qui a de la valeur (au sens commercial du terme) et qui prend de l’intérêt avec le P2P ou le streaming, ça n’est pas la musique, mais l’objet qui la porte. Le P2P, comme Spotify ou tout autre moyen d’écouter de la musique en ligne ne fait pas vendre de fichiers MP3. Ils peuvent en revanche faire vendre des objets matériels qui accompagnent la musique.
Or plutôt que de revaloriser l’objet à l’arrivée de Napster, l’industrie du disque l’a laissé se déprécier en réduisant le plus souvent l’album à un simple boîtier en plastique transparent et un feuillet imprimé. Pas étonnant, dès lors, que le public consommateur de musique en ligne se détourne de l’objet physique qui n’apporte presque aucune valeur ajoutée, même affective. Un CD gravé et une pochette imprimée fait autant l’affaire. Pas étonnant, non plus, de constater que le vinyle séduit à nouveau les amateurs de musique.
La solution n’est donc pas selon nous de supprimer son catalogue des plateformes musicales en ligne, comme s’y prépare Warner Music, mais de mettre tous ses efforts dans le renouvellement de l’offre matérielle. La musique en ligne doit être un moyen, pas une finalité.
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