Plusieurs grandes plateformes de musique en ligne, des organisations d’ayants droit et des majors de l’industrie musicale se sont réunis pour lancer un appel d’offres visant à réaliser une grande base de données mondiale des titres musicaux. Elle doit permettre à la fois d’identifier les oeuvres et les ayants droit, dans un ensemble juridique et technique très complexe.

En septembre 2008, la commissaire européenne Neelie Kroes avait organisé une table ronde sur le commerce électronique, lors de laquelle elle avait invité les acteurs de la musique en ligne à travailler ensemble à une base de données mondiale des œuvres musicales. Les participants (iTunes, Amazon, EMI Music Publishing, Nokia, PRS for Music, Sacem, STIM et Universal Music Publishing) se sont depuis réunis dans un groupe de travail, qui vient de publier son appel d’offres sous la forme d’un cahier des charges (.pdf) très détaillé.

« L’objectif de ce projet est de réduire les barrières administratives pour les entreprises souhaitant diffuser des contenus en ligne et s’assurer que les créateurs et éditeurs de musique soient rémunérés rapidement et efficacement pour leur travail« , résume la Sacem dans un communiqué. Elle souligne qu’une telle base offrirait « pour la première fois, une représentation unique, complète et officielle de l’ensemble de la propriété et de la gestion des droits pour les œuvres musicales« .

Mais le moins que l’on puisse dire à la lecture du cahier des charges, c’est que l’affaire est des plus complexes. Elle montre toute la difficulté de concilier toute la rigidité du droit d’auteur à l’ère du numérique et à la souplesse du droit contractuel.

Ainsi, il est précisé au paragraphe 3.2 que la base de données devra rassembler en un même lieu les informations qui identifient « de manière non ambigüe » :

  • Toutes les œuvres musicales sous droit d’auteur, y compris les arrangements d’œuvres du domaine public ;
  • Le(s) auteur(s) de chaque œuvre musicale ;
  • La titularité des parts des droits attribuée à chaque partie pour chacune des œuvres musicales sous droit d’auteur, territoire par territoire (pays par pays, ndlr) ;
  • L’entité qui est autorisée au nom de ces titulaires de droits à octroyer des licences pour chacun des territoires, que ce soit sur une base exclusive ou non-exclusive et que ça soit pour une exploitation hors-ligne ou en ligne, par parts de droits, types de droits (par ex. les représentations publiques, les reproductions, etc.), types d’utilisation (par ex. en ligne ou hors-ligne) par territoire ;
  • Tous les données sur les enregistrements musicaux et les vidéos musicales dont le nom de l’artiste principal ;
  • et les liens entre chaque œuvre musicale et tous les enregistrements sonores ou vidéos musicales sur lesquels elle apparaît.

La base doit ainsi être le plus exhaustive possible, dire qui gère quels droits sur quelles œuvres dans quels pays, préciser comment doivent être répartis les droits entre les différents titulaires (artiste interprète, auteur, compositeur, éditeur…), indiquer quels morceaux de musique exploitent des samples de tels autres morceaux, etc. Ce chantier est déjà important en soi, mais ça n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il faut en plus pouvoir accueillir et répartir les modifications en quasi temps réel, gérer des droits d’accès différenciés aux données pour conserver leur niveau de confidentialité, assurer la sincérité des informations saisies, traiter les conflits, …

Le paragraphe 3.2.1 est plus précis sur les données relatives aux œuvres musicales elles-mêmes, et indique qu’il faut notamment renseigner « le statut de chaque œuvre par territoire (puisque ça peut ne pas être le même dans tous les cas), y compris les passages d’une protection par le droit d’auteur vers le domaine public et, dans des cas rares, du domaine public à la protection par droit d’auteur« . Lorsque l’on connaît la difficulté pour calculer la date de passage au domaine public d’une œuvre rien qu’en France, on imagine le mal de tête qui attend les ayants droit.

Aux nombreuses difficultés techniques et pratiques s’ajoutent en plus des difficultés commerciales. Le groupe de travail n’a pas décidé par exemple de la manière dont sera gouvernée la base de données, ni de qui possèdera les droits sur les informations ainsi collectées. Ce sera, dit l’appel d’offres, fonction des propositions des candidats. Lesquels devraient malgré tout être nombreux.

Lors d’une consultation publique organisée en avril dernier, le groupe de travail avait déjà recueilli une trentaine de réponses.

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