Alors que les Etats-Unis le refusent, l’Europe veut que l’ACTA protège y compris les Appellations d’Origine Contrôlées, qui réservent à certaines régions l’exclusivité de l’usage du nom de leurs produits. Si cette divergence n’est pas résolue, la Commission Européenne pourrait quitter la table des négociations. Et peut-être trouver là un prétexte pour mettre fin à un traité qui se vide progressivement de sa substance…

Et si l’Europe refusait finalement de signer le texte de l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) ? S’il existe un risque que le Parlement Européen mette ses menaces à exécution, la Commission Européenne elle-même pourrait faire marche arrière, comme l’explique avec espoir la Quadrature du Net.

En effet, Etats-Unis et Union Européenne s’opposent sur la définition du périmètre de l’accord. Doit-il couvrir uniquement les marques et les marques commerciales, comme le souhaitent les Américains ? Ou doit-il couvrir tous les droits de propriété intellectuelle, y compris les indications géographiques telles que les Appellations d’Origine Contrôlées ? Si elle n’obtient pas satisfaction sur la protection internationale des AOC, qui reste depuis longtemps un point de discorde entre les deux bords de l’Atlantique, l’Europe pourrait refuser de signer l’accord.

« L’Europe semble insister pour que les indications géographiques – Appellations d’Origine Contrôlée concernant notamment camembert, parmesan et champagne – soient protégées par l’ACTA, alors que les USA s’y opposent catégoriquement. Jean-Philippe Müller (responsable des négociations de l’ACTA auprès de Bercy, ndlr), s’appuyant sur les propos du Commissaire De Gucht, a ainsi indiqué que si les Européens n’obtenaient pas gain de cause sur ce point, ils pourraient quitter la table des négociations« , explique ainsi la Quadrature du Net.

Dans une intervention le 8 septembre 2010 à Strasbourg, le commissaire Karel De Gucht a en effet estimé qu’un « fermier qui produit des produits avec une indication géographique, ou une entreprise de textile qui crée des modèles sont aussi victimes de contrefaçon et ont aussi besoin d’être couverts par des règles de protection meilleures« .

« Si à la fin du processus l’Union Européenne se voit présentée un Traité sans véritable valeur ajoutée concrète pour nos ayants droit, ou avec un Traité qui essaye d’établir des droits de propriété intellectuelle de première et de deuxième catégorie, nous devrions nous préparer à re-considérer notre participation à l’accord« , concluait-il.

Il a aussi regretté que le souci de parvenir à un accord ait obligé les négociateurs à se plier « au plus petit dénominateur commun » et à abandonner par exemple l’obligation de mettre en place une riposte graduée, ou le filtrage. La pression publique a obligé les négociateurs à supprimer les parties les plus contestées de l’accord, ou à en rendre certaines facultatives, et donc inutiles. La divergence sur le périmètre de l’accord pourrait donc être un prétexte à quitter la table des négociations sans avouer qu’il s’agit d’une défaite sur le fond.

Comme nous l’avons souvent souligné, l’objectif officieux de l’ACTA n’est toutefois pas tant de changer les règles de protection des droits de propriété intellectuelle que de créer une nouvelle institution internationale de négociation des droits de propriété intellectuelle, en marge de la traditionnelle OMPI. La Quadrature du Net, l’April et Act-Up Paris notent à cet égard que les articles 5 et 6 qui créent le « Comité ACTA » sont finalisés, contrairement au reste du texte, et qu’ils prévoient la possibilité d’amender l’ACTA par un simple accord ultérieur des parties, sans ratification parlementaire. « Un tel procédé pourrait revenir à créer un processus législatif parallèle, contournant l’opinion publique et la démocratie« , jugent-ils.

(illustration : CC, prktn)

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