Free n’a pas souhaité dire s’il avait l’intention de continuer son bras de fer avec le gouvernement suite à la publication du décret qui condamne les opérateurs à 1500 euros d’amende par e-mail de l’Hadopi non envoyé à un abonné averti.

Mise à jour : selon ce tweet du journaliste Emmanuel Torregano, Free s’apprêterait à annoncer un recours au Conseil d’Etat. Probablement sur les fondements que nous évoquions ci-dessous.

Interrogé ce mercredi matin après la publication du décret créant une nouvelle sanction à l’égard des opérateurs qui n’envoient pas les e-mails de l’Hadopi, Free n’a pas souhaité réagir. « Pas de commentaires« , nous a simplement répondu l’opérateur qui s’était rebellé – par sincérité ou par calcul – contre la mise en œuvre de la riposte graduée. Il avait d’abord décidé de communiquer uniquement sous forme papier les identités des abonnés que souhaite avertir l’Hadopi, avant de refuser d’envoyer les premiers e-mails d’avertissement, comme le lui demandait la Haute Autorité. Il profitait d’alors d’un vide juridique.

Mercredi, le ministère de la Justice a donc patché la loi Hadopi pour ajouter une sanction de 1500 euros par manquement à l’obligation nouvelle « d’adresser par voie électronique à l’abonné chacune des recommandations (de l’Hadopi) dans un délai de vingt-quatre heures suivant sa transmission par la commission de protection des droits« .

S’il le souhaitait, Free aurait probablement des arguments à faire valoir sur le plan juridique pour continuer son bras de fer. L’article L331-25 du CPI dit en effet que c’est l’Hadopi, et non l’opérateur de télécommunications, qui « peut envoyer à l’abonné » une recommandation « par l’intermédiaire » du FAI. Le verbe « envoyer » est utilisé comme synonyme du verbe « adresser », comme le démontre le deuxième alinéa de l’article qui use bien du verbe « adresser » pour évoquer l’envoi du second e-mail qui doit se faire « dans les conditions prévues au premier alinéa« . Ainsi le décret fait peser sur les épaules des FAI une obligation d’envoi du mail qui n’a pas été explicitement prévue par le législateur. Le défaut de base légale pourrait donc être soulevé devant le Conseil d’Etat, qui devrait alors déterminer si le fait de devoir envoyer un mail « par l’intermédiaire » d’un FAI peut faire peser sur ce dernier l’obligation pénale d’adresser le mail.

Par ailleurs, l’article L36-5 du code des postes et communications électroniques dispose que « l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques et participe à leur mise en œuvre« . Or l’Arcep n’a pas été consultée sur le décret publié mercredi. C’est déjà un argument soulevé par FDN contre de précédents décrets. Mais le Conseil d’Etat ne rendra son avis sur ce point que dans plusieurs mois.

Il est toutefois peu probable que Free décide d’attaquer le décret. Si l’opérateur s’est contenté jusque là de respecter la loi et rien que la loi, quitte à en bloquer l’application, il ne l’a jamais contestée. S’il commence à envoyer les mails, il aura de toute façon réussi son opération de communication en passant pour un rebelle à l’Hadopi, désormais contraint et forcé de se plier à la loi.

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