Il y a trois semaines, le jeudi 28 octobre, le gouvernement lançait officiellement la Carte Musique Jeune, qui permet aux 12-25 ans d’acheter de la musique en ligne à moitié prix, l’autre moitié étant payée par l’Etat, dans la limite de 25 euros par an et par personne. L’opération qui doit servir de carotte après le bâton de la riposte graduée compte près d’une quinzaine de services partenaires.
Très optimiste dans ses prévisions, le ministère de la Culture a doté le dispositif d’un budget de 25 millions d’euros par an, et prévu que chaque plateforme ne puisse pas bénéficier de plus de 5 millions d’euros d’aide par année. Une manière d’éviter en principe que tout le budget ne profite qu’aux quelques plateformes dominantes, en particulier iTunes, qui n’est pas fiscalement domicilié en France.
Cependant, malgré l’absence de contrôle qui permet d’acheter des Cartes Musique en ayant plus de 25 ans, et malgré l’utilisation possible de la Carte pour acheter des applications sur l’App Store, on ne ressent pas d’enthousiasme débordant pour le dispositif. Joint par téléphone mercredi pour avoir communication des premiers chiffres de vente, le ministère de la Culture nous a demandé de formuler notre demande par e-mail, pour la relayer à qui de droit. Ce qui dans le langage des chargés de communication signifie, généralement, que nous n’aurons jamais de réponse. Nous attendons toujours.
En attendant, nous devons faire avec les moyens du bord pour tenter d’évaluer son succès, ou son échec. Chaque internaute qui souhaite acheter une Carte Musique Jeune doit se rendre rendre sur le site officiel Carte-Musique.gouv.fr, sur lequel il peut choisir les offres qui l’intéressent et remplir le formulaire. C’est un passage obligé. Le site de mesure d’audience Alexa nous montre que le jour du lancement de la Carte, le site a connu un bond d’audience, qui a chuté dès le lendemain, pour baisser progressivement vers un niveau proche de zéro.
Les données d’Alexa sont loin d’être fiables, surtout pour un site qui génère extrêmement peu de trafic au niveau mondial. Mais la tendance est confirmée par Google Trends, qui mesure la popularité de l’expression « Carte Musique » dans le moteur de recherche :
Si l’on ne connaît pas le volume de ventes, on peut tenter de l’évaluer à la lueur de ces graphiques. En conseil des ministres le jeudi 3 novembre dernier, le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand avait annoncé qu’au bout d’une semaine « près de 10 000 cartes ont d’ores et déjà été créées« . Il n’avait pas communiqué sur le montant moyen des cartes, qui peuvent démarrer à 10 euros (dont 5 euros payés par l’Etat).
Imaginons le scénario le plus optimiste, qui veut que les 10 000 cartes aient été toutes créditées du montant maximal de 50 euros. Cela représenterait une aide totale de 250 000 euros versée pour une semaine. Si cette année chaque semaine autant de cartes sont vendues avec un crédit toujours maximal, le montant de l’aide versée serait d’environ 13 millions d’euros, soit la moitié seulement du budget prévu initialement. Et ce, dans le scénario le plus optimiste qui soit.
Mais l’on voit bien sur les graphiques que les ventes ont très fortement ralenti après le premier jour, probablement à moins de 1000 cartes par jour. Ce qui ferait à ce rythme un budget maximal de 9 millions d’euros versés par l’Etat.
Si le montant moyen crédité sur une carte n’est pas de 50 euros comme le veut le scénario le plus optimiste mais de 20 euros, comme le veut le scénario le plus réaliste, le budget accordé tomberait selon ces estimations à moins de 4 millions d’euros. Ce qui permettrait à un acteur comme iTunes de cannibaliser l’ensemble du budget sans atteindre le plafond fixé par décret.
Si l’on ajoute à cela l’effet d’aubaine, qui fait qu’une partie des consommateurs (de moins de 25 ans ou fraudeurs) payent moins cher la musique qu’ils auraient de toute façon acheté au prix fort, il est « à craindre » que la Carte Musique ne soit d’aucun secours pour l’industrie phonographique, qui voit encore son chiffre d’affaires plonger malgré l’Hadopi.
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