Plus que jamais, la survie financière et technologique des réseaux sociaux dépend du contenu qui produisent ses utilisateurs, et souvent des contenus de qualité. YouTube ne gagnerait pas autant grâce à sa publicité si la plateforme n’avait pas réussi à engager des utilisateurs dans la production régulière de contenus. Par ailleurs, quand Mountain View signe à travers le globe des contrats d’exclusivité avec des amateurs — les youtubers — c’est évidemment pour stimuler et consolider cette économie du contenu. La stratégie est la même chez Facebook. Inversement, Twitter illustre assez bien ce qui peut arriver de pire à un réseau social mondialement connu : la stagnation de sa base d’utilisateur et donc de sa production de contenus.
Mais quelle est la stratégie de Snapchat dans ce marché émergent ?
Snapchat et les marques
Pour le moment, comme nous l’expliquions, l’essentiel du revenu enregistré par le réseau social provient de ses annonceurs qui peuvent se payer des opérations marketings sur le média. Les médias payent pour avoir leur Discover, les marques pour avoir leurs filtres ou leur propre Story. Récemment, Snapchat a annoncé l’arrivée de publicités à l’intérieur des Story de tous les utilisateurs, rapprochant la monétisation de son contenu au modèle YouTube.
Néanmoins, la principale différence entre le business model de Snapchat et YouTube demeure dans le fait que le créateur, sur la plateforme de Google, pourra monétiser son contenu grâce aux annonceurs en bénéficiant d’une faible, mais existante, rémunération. Alors que sur Snapchat, il n’existe pour le moment aucun moyen de monétiser la création de contenus en tant qu’utilisateur. Les comptes Snapchat qui enregistrent des millions d’abonnements et de vues quotidiennes doivent aujourd’hui passer par des placements de produits et des partenariats dans lesquels le réseau social n’est pas impliqué.
Or, pour son avenir et son expansion, Snapchat va devoir s’impliquer d’avantage dans la rémunération de ses créateurs, au risque sinon de les voir quitter le réseau pour des nouveaux médiums plus intéressants. En cela, le dépôt d’un brevet portant sur la rémunération des utilisateurs révélé par le Los Angeles Times n’est qu’une demie-surprise. Déposé dès 2014, il est est la preuve qu’Evan Spiegel était déjà en train de penser les conditions du succès qu’on doit aujourd’hui reconnaître à sa startup, lorsqu’elle encore moquée et résumée aux échanges de « dick pics ».
L’internaute est le nouveau publicitaire
Le brevet innove par un aspect très intéressant ; l’utilisateur ne serait pas rémunéré en fonction de sa propre popularité, mais en fonction d’un algorithme de machine-learning qui a pour tâche de reconnaître les éléments visuels des snaps postés. Ainsi, si par exemple Coca Cola paye une campagne marketing sur Snapchat, le réseau pourrait trouver parmi tout le contenu publié celui qui a un rapport direct avec la marque et ensuite le mettre en avant.
Snapchat propose donc aux marques de laisser les utilisateurs produire eux-mêmes une nouvelle forme de publicité tout en assurant aux marques qu’elles auront un interlocuteur direct pour n’importe quelle campagne. Or ce type de campagne interactive est aujourd’hui très prisée, de nombreuses marques investissent dans des photocalls plus ou moins sauvages dans l’espoir de voir les internautes faire un selfie en relation avec la dite campagne et ainsi mettre en avant eux-mêmes la marque. C’est le cas par exemple de la dernière campagne de Netflix en France qui propose de face-swaper avec les héros des séries du géant.
https://twitter.com/BEcause_Aus/status/735651748610777089
Ce n’est bien sûr pour le moment qu’un brevet appartenant à Snapchat mais la fonctionnalité finira certainement par arriver jusqu’aux utilisateurs d’une manière ou d’une autre, notamment quand l’entreprise aura réglé les défis technologiques et économiques imposés par une telle révolution commerciale.
C’est finalement peut-être un des modèles économiques les plus adaptés à son époque et aux intérêts et des marques et des utilisateurs que nous ayons eu l’occasion de voir jusque là. En conclusion, il va falloir apprendre à ne plus sous-estimer la startup d’Evan Spiegel qui pourrait bien durer plus longtemps que ne l’envisageait ceux qui ne voyaient en Snapchat qu’un épiphénomène.
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