Jeudi, nous rapportions que Tesla avait publié un long communiqué pour réagir vivement à un article du magazine Fortune, qui accusait le constructeur automobile d’avoir gardé secrète pendant près de deux mois l’information qu’un accident mortel avait été subi par un client qui utilisait une Telsa Model S en mode Autopilot. Soupçonné d’avoir permis un délit d’initié, l’entreprise d’Elon Musk expliquait que le délai était normal, que son Autopilot s’était comporté normalement, et que de toute façon, les investisseurs étaient déjà prévenus du risque qu’un tel accident se produise.
Mais dans ce communiqué, Telsa rappelait une autre information passée curieusement inaperçue, alors qu’elle est très intéressante. Le constructeur cite en effet un extrait des documents qu’il envoie au gendarme boursier américain, la SEC, qui permettent aux investisseurs de connaître notamment la nature des risques liés à l’activité de l’entreprise. Or, cet extrait nous apprend que Tesla n’a pas d’assurance pour couvrir les accidents qui seraient liés à des défaillances de son mode Autopilot (les mises en gras sont de nous) :
« Nous pouvons devenir le sujet de demandes d’indemnisations liées à un produit, ce qui pourrait nuire à notre situation financière et notre liquidité si nous ne sommes pas en mesure de nous défendre avec succès ou de nous assurer contre de telles revendications.
Des demandes d’indemnisation liées à un produit pourraient nuire à nos activités, aux perspectives, aux résultats d’exploitation et à la situation financière. L’industrie automobile connaît d’importantes demandes en indemnisations liées aux produits et nous sommes confrontés à un risque inhérent d’exposition à des réclamations au cas où nos véhicules ne fonctionnent pas comme prévu et entraînent des blessures ou la mort. Nous pouvons également faire face à des réclamations similaires liées à une mauvaise utilisation ou à des échecs des nouvelles technologies dont nous sommes des pionniers, y compris le pilote automatique dans nos véhicules et nos produits Tesla Energy. Une demande réussie d’indemnisation liée à un produit contre nous à l’égard de tout aspect de nos produits pourrait nous obliger à payer une somme d’argent substantielle. Nos risques dans ce domaine sont particulièrement marqués, compte tenu du nombre limité de véhicules et de produits de stockage d’énergie livrés à ce jour et de l’expérience limitée sur le terrain de nos produits. En outre, une demande d’indemnisation liée à un produit pourrait générer de la publicité négative importante sur nos produits et l’entreprise et aurait un effet défavorable important sur notre marque, l’entreprise, les perspectives et les résultats d’exploitation. Nous nous auto-assurons contre le risque de demandes d’indemnisation liées à un produit, ce qui signifie que toutes les demandes d’indemnisation liées à un produit devront être payées à partir des fonds de l’entreprise, et non par une assurance ».
Tesla n’explique pas pourquoi il n’est pas assuré par un tiers mais l’on imagine bien qu’il est très difficile pour le constructeur automobile de trouver une assurance, à un coût raisonnable, pour couvrir toutes les plaintes qui naîtraient d’un bug logiciel ou matériel entraînant des accidents mortels liés à l’Autopilot. Outre les défauts de conception ou les problèmes circonstanciels tels que ceux qui ont entraîné la mort d’un propriétaire de Tesla Model S, les assurances ont peut-être aussi des craintes quant à la sécurité des véhicules à l’égard de tentatives de piratage.
Les véhicules autonomes impliquent le plus souvent d’être connectées, ce qui ouvre des brèches potentielles dans lesquelles des hackers mal intentionnés (groupes criminels, terroristes, puissances étrangères…) pourraient s’engouffrer pour déclencher des milliers d’accidents simultanés, d’un seul clic de souris. Tesla lui-même a monté une petite armée de hackers pour prévenir autant de scénarios d’attaques que possible, mais le risque zéro n’existe pas.
Et puisque les assurances n’assurent que des risques qu’elles peuvent évaluer, il faudra encore attendre longtemps avant qu’elles finissent, peut-être, par accepter d’assurer les constructeurs contre le comportement fautif de leurs robots pilotes.
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