Un jour normal en 2016, sur les réseaux sociaux, c’est quelques milliers de textes, de photos et de vidéos produits par les célébrités et les jeunes vedettes du web — que l’on présente comme des « influençeurs » parce qu’elles ont acquis une notoriété avec leur blog, leur page YouTube ou leur compte Instagram — dans le but de s’adresser à leur communauté, mais aussi, parfois, de toucher une rémunération plus ou moins généreuse grâce à un partenariat avec une marque.
Ainsi, chaque jour, on apprend que tel snapchatteur adore le Coca- Cola, que tel Youtubeur est fan de tel jeu ou que telle mannequin ne jure plus que par une certaine crème de teint.
De fait, ces annonces provoquent une mise en lumière évidente de toutes sortes produits et de services, mais que n’assument généralement pas ceux qui les mettent en ligne. Une situation que la commission fédérale américaine du commerce (Federal Trade Comission) entend réguler, jugeant que la tromperie pour le consommateur est trop importante.
Content Creators
Ce business du contenu sponsorisé a émergé parallèlement au délaissement de la télévision par les jeunes générations et leur tropisme pour les médias sociaux. Leurs centres d’intérêt se déplaçant avec leurs médias, la publicité a travaillé sur elle-même pour atteindre à nouveau cette cible versatile.
La solution des célébrités, puis de leur pâle imitation marketing, les influenceurs, a rapidement été choisie par les marques pour remettre leur produit au cœur du contenu consommé — ou en tout cas vu — par les adolescents et les jeunes adultes.
Mais dans cet eldorado du marketing, les régulations imposées par les autorités n’ont pas encore le même poids que dans les médias traditionnels. Ainsi, alors qu’une publicité télévisuelle est largement contrôlée et immédiatement identifiable comme telle par le consommateur, une photo Instagram sponsorisée s’en tire généralement avec une seule mention « #sp » (ou quelque-chose d’approchant) dans sa description pour exprimer son caractère sponsorisé.
Or c’est une tromperie pour le consommateur, selon la FTC : « nous avons lutté contre les publicités déguisées pendant des décennies et selon nous, les réseaux sociaux sont un nouvel endroit où elles apparaissent. Nous pensons que les consommateurs sont sensibles aux publicités et nous voulons nous assurer qu’elles ne sont pas cachées. » explique Michael Ostheimer à Bloomberg, responsable de la division de surveillance des pratiques commerciales de la commission.
Captiv8, une entreprise spécialisée dans la mise en relation entre les marques et les influenceurs confie qu’elle estime aujourd’hui à plus de 255 millions de dollars les sommes engagées dans cette publicité web par les marques.
Ces sommes, qui ne cessent d’augmenter depuis les années 2010, finissent dans la poche des youtubeurs, des blogueurs mais également, des célébrités, sans pour autant que le consommateur-spectateur ne soit mis au courant des sommes dépensées pour qu’il voit tel produit posté par telle ou telle personne. C’est précisément cette situation que la FTC dénonce par communiqués et rapports très régulièrement.
Néanmoins, de nombreux influenceurs, ainsi que leurs agences, se défendent d’une volonté de tromperie et accusent la FTC de demander aux influenceurs des règles qui ne sont pas claires. Ainsi, de nombreuses personnes pensent être dans leur droit en ajoutant le fameux hashtag #sp (sponsorised post)ou #ad dans leur publication.
La FTC précise qu’une telle indication ne peut être valable uniquement que si elle est la première information mise en avant par la description. Dans le cas d’une vidéo la commission voudrait que le créateur exprime à haute voix la nature sponsorisée du contenu. Une consigne qu’elle avait déjà mentionnée lors de l’affaire PewDiePie, un youtubeur très célèbre pour ses vidéos le montrant en train de jouer aux jeux vidéo.
Néanmoins, des influenceurs se défendent de tromperie, soutenus par leurs agences qui parlent de publicité n’ayant pas besoin d’être distinguée en tant que telle, en notant que le contenu l’accompagnant est personnel et créé par une personne, en l’occurrence le youtubeur, qui est libre de donner suite à une proposition commerciale ou non.
Ces arguments sont contestés par la commission, qui applique son test pour déterminer la ligne à ne pas franchir. Ce test de base élaboré par l’agence fédérale est le suivant : si l’usager savait que l’influenceur a reçu une compensation, de n’importe quelle nature, est-ce que cela peut changer son point de vue sur la mise en lumière du produit en tant qu’approbation de l’influenceur ? Dans la grande majorité des cas, la réponse est oui.
Il reste donc encore beaucoup de travail aux États-Unis pour la commission, d’autant que le milieu des agences de content creators ne compte pas voir sans réagir leur business être « attaqué » et aussi régulé que la publicité traditionnelle, alors qu’il est en plein essor.
Néanmoins, les influenceurs eux-mêmes seraient enclin à suivre des règles à condition que celles-ci soient clarifiées par la FTC et bien sûr adaptées à leur média. Ainsi, on peut s’interroger, en dix secondes de vidéo Snapchat, comment à la fois produire du contenu et prévenir le consommateur de la nature mercantile de celui-ci ?
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