Le groupe Canal+ interdit à ses reporters de commenter sur Twitter les évènements pour lesquels ils sont dépêchés. Leurs commentaires doivent être réservés à la télévision. Une conception inutile et rétrograde du journalisme.

C’est véritablement ne rien comprendre au sens de l’histoire. Les premiers jours de l’affaire DSK, beaucoup des journalistes présents à New-York pour assister à l’audience de l’ancien patron du FMI ont utilisé Twitter pour rendre compte de l’ambiance et de ce qu’ils voyaient. Mais pas Laurence Haïm, la correspondante aux Etats-Unis de la chaîne i>Télé. Le groupe Canal+ estime en effet que les tweets publiés sur Internet font concurrence à son antenne, et préfère réserver les exclusivités de la journaliste à sa chaîne d’information. C’est ce que raconte Le Monde :

Laurence Haïm, seule journaliste française accréditée à la Maison Blanche présente au tribunal, « a envoyé des textos à la rédaction de la chaîne tout au long de l’audience« , indique iTélé. Des textos seulement, car « Canal+ n’autorise pas le tweet« . Rodolphe Belmer, directeur général de la chaîne, invoque « des raisons d’exclusivité« . Au contraire des textos, les tweets sont publics. Selon lui, « les journalistes doivent d’abord réserver leurs informations à leurs rédactions« .

Nous sommes en 2011, donc faisons du journalisme comme en 1995. Ou pas tout à fait, car comme le note avec malice le site Ozap, Canal+ n’hésite pas à se servir lui-même de Twitter pour enrichir ses informations… au risque de se planter. « Ce jour-là, i>TELE a ainsi été trompée en relayant dans son « ticker », la barre d’informations qui se situe en bas de l’écran, un message posté sur le compte usurpé de Tristane Banon, expliquant qu’elle avait déposé plainte contre Dominique Strauss-Kahn« , raconte Ozap. Or l’information était fausse.

Cet ordre de Canal+ est révélateur à plus d’un titre. Si elle était sur un réseau P2P, la rédaction d’i>Télé se comporterait en « leecher » : prendre des informations mais surtout ne pas en donner. Ce qui est une conception très mal vue et très rétrograde de l’information à l’ère numérique. Par ailleurs, il est assez stupide de parler d’exclusivité et d’envoyer des informations par SMS… lorsqu’il s’agit de commenter l’évènement auquel des dizaines d’autres journalistes assistent au même moment. C’est du même genre d’idiotie que les forêts de micros tendus entre les coups de coude lors des conférences de presse improvisées, uniquement parce que les rédactions sont incapables de s’entendre pour partager un son ou une image. Chacune doit détenir ses droits sur l’enregistrement.

En attendant, BFM TV qui est très présente sur Twitter et qui n’a pas hésité à utiliser le réseau social dans les deux sens, est la chaîne qui a le plus profité de l’évènement DSK. Elle a battu un record d’audience avec 1,1 million de téléspectateurs lundi. Preuve qu’il est possible de partager de l’information et d’y gagner sur tous les tableaux.

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