Au début des années 1990, un anthropologue britannique avait découvert que la taille du neocortex imposait à l’homme une limite d’environ 150 individus avec lesquels il peut nouer des liens sociaux au même moment. Une étude américaine et italienne démontre que la même limite existe sur Twitter, et probablement sur tous les réseaux sociaux.

Et si au fond, les réseaux sociaux ne changeaient rien à la capacité des hommes à socialiser ? S’ils permettent d’entrer en contact plus facilement avec des individus que l’on ne connaît pas, ou qui sont géographiquement éloignés, les services comme Twitter ou Facebook n’augmentent pas pour autant le nombre d’hommes et de femmes avec lesquels il est possible d’entretenir des relations régulières. Car les réseaux sociaux ne permettent pas de surmonter les limites du cerveau humain. C’est en tout cas la conclusion passionnante d’une étude (.pdf) menée par Bruno Gonçalves, Nicola Perra et Alessandro Vespignani.

Les chercheurs se sont intéressés aux travaux de l’anthropologiste britannique Robin Dunbar, qui a découvert en 1992 que les primates ont un nombre limité d’individus dans leur groupe sociaux, et que ce nombre est proportionnel à la taille du neocortex. Extrapolant cette trouvaille à l’homme, il concluait qu’un humain peut entretenir une relation stable avec environ 150 personnes au maximum. Ce qui est devenu le « nombre de Dunbar« . « Au-dessus de ce nombre, la confiance mutuelle et la communication ne suffisent plus à assurer le fonctionnement du groupe. Il faut ensuite passer à une hiérarchie plus importante, avec une structure et des règles importantes (on le voit par exemple à l’échelle d’un pays et de son gouvernement)« , indique Wikipedia.

Ce nombre se retrouve tout au long de l’histoire de l’Humanité dans des activités diverses comme la taille des villages de fermiers néolithiques, des unités militaires depuis l’armée romaine, ou les carnets d’adresse au 20ème siècle. C’est une constante de l’organisation sociale.

Mais les réseaux sociaux sur Internet permettent-ils de dépasser ce nombre, grâce à l’assistance informatisée apportée au groupe ? Pour le savoir, Gonçalves et ses confrères ont étudié les liens noués entre 3 millions d’utilisateurs de Twitter pendant 4 ans, avec un volume total de 380 millions de tweets. Puisque le nombre de « followers » (personnes qui nous suivent) et de « following » (personnes que l’on suit) n’est pas déterminant, le travail s’est concentré sur l’extraction de 25 millions de conversations entre les individus.

Lorsque les internautes commencent à « tweeter », le nombre de contacts avec lesquels ils discutent régulièrement augmente. Jusqu’à un point de saturation au delà duquel au contraire, le nombre d’échanges se resserre autour d’un nombre limité de contacts privilégiés. Or ce point de saturation se situe entre 100 et 200 « amis », c’est-à-dire précisément autour du nombre de Dunbar.

Ainsi le volume de messages envoyés vers un contact augmente avec le nombre des contacts établi jusqu’au point de saturation, puis l’utilisateur commence à négliger certains des contacts au profit de certains (graphique A). Par ailleurs, le nombre de réponses à des contacts qui envoient des messages sature autour de 250 personnes (graphique B).

« Les réseaux sociaux n’ont pas changé les aptitudes sociales humaines (…) Même dans le monde en ligne les contraintes cognitives et biologiques opèrent comme l’avait prédit la théorie de Dunbar« , conclut l’étude.

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