Dis-moi comment tu écris, je te dirai comment tu seras assuré. Telle est la démarche d’un tout nouveau programme imaginé par une société d’assurance automobile au Royaume-Uni, Admiral Group. L’idée ? Proposer des bonus aux jeunes conducteurs à condition qu’ils acceptent d’ouvrir leur profil Facebook de manière à laisser un logiciel d’analyse syntaxique évaluer leur façon d’écrire.
Pour faire simple, la façon dont vous vous exprimez sur le réseau social détermine le pourcentage de réduction auquel vous pourrez prétendre — de 5 à 15 %, ce qui peut avoir un impact très significatif sur le porte-monnaie d’un jeune conducteur, dont les moyens financiers sont souvent limités. De prime abord, le concept est attractif : qui n’a pas envie de faire des économies ?
La manière dont vous utilisez la ponctuation et le choix des mots influent sur le taux du rabais : vous tapez trop de points d’exclamation à la fin de vos phrases ? Vous utilisez des termes radicaux comme « jamais » ou « toujours » ? Alors c’est le signe d’une trop grande confiance en soi ; cet excès serait, selon l’assureur, un indicateur d’une conduite dangereuse et d’une inclinaison élevée à faire réclamations.
À l’inverse, si vous êtes plutôt à écrire du « peut-être » et des termes du même acabit, alors ce serait l’illustration que vous manquez d’assurance — c’est le cas de le dire — et que vous pouvez aussi être un risque sur la route. En tout cas un risque plus élevé qu’une personne répondant à une certaine norme de l’assureur. La ligne est ténue et sa définition est du seul ressort de l’assureur.
Dis-moi comment tu écris, je te dirai comment tu seras assuré
Ce n’est pas tout. D’autres critères sont pris en compte. Comme le pointe The Stack, qui s’est intéressé à cette police d’assurance d’un nouveau genre, l’usage de phrases courtes et sans détour, ainsi que l’usage des dates et des horaires (« on se voit à 17h » plutôt que (« à tout à l’heure ») seraient deux indices selon lesquels le conducteur est consciencieux et bien organisé. Donc qu’il conduit bien.
L’expérience n’a toutefois pas pu être mise en place.
La BBC rapporte que Facebook s’est opposé au dispositif imaginé par Admiral Group. De son côté, le Guardian fait savoir que l’assureur a de toute façon fait machine arrière en suspendant l’initiative à la suite des protestations de militants défendant une plus grande vie privée sur Internet. Ils la dénonçaient comme une tentative d’intrusion pour analyser les données des utilisateurs.
Une tendance visible dans la santé
La tentative contrariée d’Admiral Group n’est pas une première.
Dans un autre secteur, celui de la santé, on a vu à l’été 2014 AXA dévoiler un avantage santé conditionné à l’usage d’un objet connecté. Il y a eu aussi des indications dans la presse américaine selon lesquelles deux grandes compagnies privées d’assurance santé ont été approchées par Apple pour voir comment les contrats d’assurance santé peuvent évoluer en les associant avec Health, l’appli santé sur iOS.
Ces cas de figure, en apparence isolés, révèlent en fait la place de plus en plus importante que va prendre la médecine personnalisée, basée à la fois sur les données que l’on cède via les objets connectés — notamment tous les gadgets d’activité pour le sport, le bien-être et la santé) — ou sur Internet, en particulier sur les réseaux sociaux. Et pour y parvenir, il faut croire que l’approche ludique a le vent en poupe.
La dérive est évidente.
Outre les craintes légitimes que l’on peut avoir dans ce genre de cas (qui a accès aux données ? Que voit la société d’assurance du profil ? etc), cette tendance risque surtout de pousser à une relative uniformisation, une normalisation des attitudes, des comportements et même des prises de parole, motivée en partie par des considérations financières (sous un tel régime, si vous ne faites pas de sport, vous pourriez vous exposer à un malus).
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