Contrairement à ce que nous rapportions hier, le Parti Socialiste n’a pas utilisé les droits sur son logo pour obtenir la fermeture du compte parodique @droledegauche, mais pour obtenir l’identité de son auteur en vue de le traduire en justice pour diffamation. Une exploitation cependant très curieuse des droits de propriété intellectuelle à des fins de tactique judiciaire.

Lundi, une polémique est née à propos de la fermeture des comptes Twitter anti-Sarkozy, demandée pour partie par des cadres de l’UMP qui ne veulent pas entendre parler de parodies dès lors qu’elles exploitent le nom de Nicolas Sarkozy. Plusieurs autres comptes ont été fermés, et continuent de l’être régulièrement depuis plusieurs jours, sous l’action zélée de militants qui abusent du système de notification de spam de Twitter pour obtenir la suspension des comptes qui les dérangent.

Nous rapportions alors qu’en 2011, le Parti Socialiste aussi s’était attaquée à un compte Twitter de parodie, @droledegauche. Le parti politique avait été jusqu’à actionner le service américain en justice pour obtenir l’identité du gestionnaire du compte, au prétexte fumeux qu’il exploitait le logo du Parti Socialiste dans son avatar, ce qui représentait une violation de la marque déposée à l’INPI.

Dans un billet publié dans Le Nouvel Obs, le coordinateur web du PS tient à apporter des précisions. « Le PS ne s’en est jamais pris à aucun site ou compte parodique sur les réseaux sociaux« , assure Emile Josselin. Il explique qu’en fait, l’action visait à identifier l’auteur du compte parodique pour ensuite porter plainte en diffamation contre lui. Plusieurs messages sont en effet très mal passés du côté de la direction du Parti Socialiste. « Marre des journalistes qui n’ont rien dit. Faut-il attendre qu’Aubry fasse un coma éthylique pour qu’on parle enfin de ses problèmes d’alcool ?« , avait notamment publié @droledegauche, le 19 mai 2011.

« Notre première démarche a été de vouloir savoir qui se trouvait derrière ce fameux compte, qui entreprenait de diffamer régulièrement Martine Aubry et d’autres socialistes. Il est donc décidé d’entamer une démarche juridique permettant d’établir qui était l’auteur de cette tentative de déstabilisation afin de pouvoir porter plainte, dans un contexte général d’alimentation de rumeurs diffamatoires. La démarche juridique engagée, utilisant la présence du logo pour faire valoir notre droit à agir comme le montre le document publié, a permis une levée d’identité, obtenue suite à une ordonnance du TGI de Paris« .

Si elle paraît crédible, d’autant que le compte @droledegauche existe toujours, l’explication a cependant du mal à tenir sur un plan judiciaire. Pourquoi, alors que la diffamation est un délit à part entière, utiliser le prétexte d’une violation du droit de la propriété intellectuelle pour demander au tribunal l’identité de l’internaute ? Une plainte contre X aurait abouti, de toute façon, à une demande d’identification auprès de Twitter.

Interrogée, une source proche du dossier nous explique que pour agir en diffamation, il aurait fallu que Martine Aubry soit celle qui dépose plainte, puisqu’elle était celle visée par les propos. En s’attaquant à l’exploitation illicite du logo, le Parti Socialiste s’est offert une voie d’action.

Mais là encore, le raisonnement est étrange, puisque Martine Aubry a pu porter plainte en son nom une fois l’identité révélée. Comme si la première secrétaire du Parti Socialiste avait voulu s’assurer de l’identité du diffamant avant de porter l’affaire en justice.

En épilogue, la justice a finalement tranché en novembre dernier, dans une affaire proche, en déboutant pour partie Martine Aubry. Le tribunal de grande instance de Paris avait rappelé que l’éventuel alcoolisme allégué par un blogueur était un « état pathologique » et non une infraction pénale, et donc que l’action devait se porter sur le terrain de l’atteinte à la vie privée et non de la diffamation.

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