C’est un chamboulement juridique pour Facebook. Poursuivi par un internaute français dont le compte a été désactivé, le réseau social s’est défendu en invoquant ses conditions d’utilisation. Celles-ci affirment que seules les juridictions californiennes sont compétentes pour trancher un tel litige, et non pas la juridiction de proximité de Bayonne. Or, la cour d’appel de Pau a rejeté cette défense.
Dans ses conditions d’utilisation, Facebook a prévu de régler l’ensemble des litiges qu’il pourrait avoir avec les membres du réseau social en appliquant le droit de l’État de Californie. Toute plainte afférente à cette déclaration ou à Facebook, toute action entre le service et l’utilisateur devra être réglée « exclusivement devant les tribunaux d’État et fédéraux sis dans le comté de Santa Clara« , est-il écrit.
Sauf que la compétence juridictionnelle des tribunaux du comté de Santa Clara a été remise en question par la justice française. La cour d’appel de Pau a en effet estimé dans un arrêt (.pdf) rendu fin mars et signalé par le site Village-Justice que la mauvaise lisibilité des conditions d’utilisation du réseau social interdisait à celui-ci d’imposer une quelconque clause attributive de compétence.
La clause doit apparaître de façon très apparente
La raison ?
Facebook enfreint l‘article 48 du Code de procédure civile, qui expose que « toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée« .
Partant de cet article, la cour d’appel de Pau a donc dû vérifier si la clause attributive de compétence de Facebook était valable. C’est-à-dire vérifier si le choix du site communautaire d’appliquer le droit de l’État de Californie est suffisamment visible dans les conditions d’utilisation. Or, pour la juridiction française, ce n’est pas le cas.
« Il convient donc de vérifier si l’utilisateur qui traite avec la société Facebook s’est engagé en pleine connaissance de cause. Il apparaît à la lecture des conditions générales d’utilisation du site, que les dispositions spécifiques relatives à la clause attributive de compétence à une juridiction des États-Unis est noyée dans de très nombreuses dispositions dont aucune n’est numérotée« .
Les CGU de Facebook font 12 pages A4
« Elle est en petits caractères et ne se distingue pas des autres stipulations. Elle arrive au terme d’une lecture complexe de douze pages format A4 pour la version papier remise à la Cour et la prise de connaissance de ces conditions peut être encore plus difficile sur un écran d’ordinateur ou de téléphone portable, pour un internaute français de compétence moyenne« .
« En outre, il suffit d’une simple et unique manipulation lors de l’accès au site (clic) et non d’une signature électronique pour que le consentement de l’utilisateur soit considéré comme acquis ce qui suppose que l’attention de celui-ci soit particulièrement attirée sur la clause dont se prévaut fa société Facebook ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque lors de cette manipulation la clause n’est pas facilement identifiable et lisible« .
« Enfin, au moment de l’inscription […], ces conditions générales n’existaient que dans une version en anglais et la société Facebook ne démontre pas contrairement à ce qu’elle prétend, que celui-ci maîtrisait cette langue. Dès lors, il ne peut être considéré qu’il s’est engagé en pleine connaissance de cause et la clause attributive de compétence doit être réputée non écrite« .
Facebook peut être poursuivi devant des juridictions françaises
Pour l’avocat de l’internaute français, il s’agit-là d’une décision tout simplement inédite en France. Avec l’arrêt rendu par la cour d’appel de Pau, tous les membres français du site communautaire pourront s’adresser à la juridiction de leur propre lieu de résidence et non pas celles se trouvant en Californie. Les fermetures intempestives de comptes pourront ainsi être contestées beaucoup plus facilement.
Les mesures protectrices du droit français de la consommation peuvent donc être invoquées par les internautes français contre Facebook, quand bien même le siège social du réseau social se trouve aux États-Unis. Facebook a toutefois encore la possibilité de se pouvoir en cassation pour casser l’arrêt rendu par la cour d’appel de Pau.
En attendant, l’affaire opposant l’internaute français privé de son profil et Facebook a été renvoyée devant la juridiction de proximité de Bayonne pour y être jugée sur le fond.
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