Au cours d’un déplacement dans le Loir-et-Cher il y a deux ans, Nicolas Sarkozy a précisé les intentions du gouvernement en matière de très haut débit Internet. Quelques semaines après la présentation du plan par François Fillon, le chef de l’État a souhaité que le raccordement de toute la population en fibre optique soit terminé en 2025, avec un premier palier de 70 % à atteindre en 2020.
Pour y parvenir, le gouvernement a donc choisi de mobiliser une partie des sommes dégagées lors du grand emprunt. Sur les 4,5 milliards d’euros consacrés au développement numérique, un peu moins de la moitié (2 milliards) sera alloué à l’installation du très haut débit et à la réduction de la fracture numérique. Une somme à laquelle il faut ajouter les investissements réalisés par les opérateurs télécoms.
Ce plan est-il tenable ? Alors que le gouvernement continue de fixer la date limite à 2025 pour 100 % de la population, l’Inspection générale des finances a jeté un pavé dans la mare en rendant un rapport très critique sur l’efficacité des dispositifs publics actuels pour financer l’innovation. Et en matière de très haut débit, le service d’inspection interministériel se montre pour le moins circonspect.
Plutôt 2030 que 2020
Consulté par La Tribune, le rapport qui n’a pas été rendu public tacle d’abord le calendrier du gouvernement. Dans le meilleur des cas, l’objectif de raccorder 70 % de la population en très haut débit ne sera pas atteint en 2020 mais plutôt en 2030. Dans le meilleur des cas. L’Inspection générale des finances juge en particulier que le niveau de l’investissement public est trop bas pour tenir un tel cap.
Pour l’IGF, le montant accordé dans le cadre du grand emprunt pour le très haut débit devrait être triplé afin qu’il atteigne le cap des 6 milliards d’euros. C’est donc 4 milliards de plus qu’il faudrait pour espérer tenir les engagements du gouvernement. Cela n’est pas vraiment surprenant. Les dernières estimations de l’Arcep soulignent que basculer l’ensemble du pays dans le très haut débit va coûter 21 milliards d’euros.
Privilégier le VDSL pour les zones rurales
L’été dernier, le gouvernement a également indiqué que les collectivités territoriales recevront une aide publique de 900 millions d’euros pour des projets en rapport avec la fibre optique. Cette somme vise à compléter les sommes engagées par les opérateurs télécoms et surtout à les inciter à investir dans des régions moins densément peuplées. Or, l’accès à ces crédits ne se fait que s’il y a un partenaire.
Les collectivités connaissant des difficultés financières et les opérateurs privilégiant les centres urbains, l’IGF recommande de réduire le montant du chèque voire de le supprimer. À la place, L’IGF suggère de considérer le VDSL (jusqu’à 50 Mbps symétrique) ou VDSL2 (100 Mbps). C’est moins cher et cela permet à la paire de cuivre utilisée par l’ADSL de servir à nouveau.
L’accès à Internet par satellite pas mature
Le rapport de l’Inspection générale des finances a aussi taclé un autre projet du gouvernement, l’Internet par satellite. En novembre, il a été annoncé qu’un projet de très haut débit par satellite était en cours d’élaboration, pour couvrir les zones difficiles d’accès ou particulièrement reculées. Pour le mener à bien, une enveloppe de 100 millions d’euros a été mise sur la table.
Si le projet part d’une bonne intention, l’IGF note surtout que les « solutions satellitaires ne sont pas suffisamment matures » pour offrir une vraie solution. Les offres commerciales compétitives ne verront vraisemblablement pas le jour avant dix ans. En attendant, le fossé numérique risque de se creuser à mesure que les citadins seront reliés au très haut débit.
Les répercussions sur le PIB à démontrer
Les conclusions du service tempèrent enfin les prétendus gains d’activité des cabinets de conseil sur la progression du haut débit en France. Selon McKinsey, une hausse de 10 % de la pénétration du haut débit dans les ménages augmenterait le PIB de 0,1 à 0,3 %. Mais pour l’IGF, la « corrélation n’est pas systématique entre le niveau de modernisation des infrastructures et la performance de l’économie numérique« .
Vu le regard assez sévère de l’Inspection générale des finances, on comprend mieux pourquoi le gouvernement n’a pas souhaité rendre public le rapport.
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