Mercredi, nous rapportions les conclusions du nouveau rapport de la cour des comptes sur les sociétés de gestion collective, qui montre que les reversements de droits d’auteur ont augmenté de 60 % en dix ans, c’est-à-dire trois fois plus vite que l’inflation sur la même période. Depuis 2000, les sommes collectées destinées à être redistribuées aux auteurs, éditeurs, artistes-interprètes ou producteurs ont augmenté de plus de 50 %. De quoi mettre à mal les discours alarmistes qui annoncent l’apocalypse culturelle si le piratage n’est pas rapidement réduit à néant.
Mais Laurent Petitgirard, président du Conseil d’administration de la Sacem, ne veut pas que ces chiffres donnent l’impression que tout irait bien dans le meilleur des mondes pour les membres de la société de gestion.
Le chef d’orchestre nous indique qu’entre 2000 et 2010, 40 000 nouveaux sociétaires ont rejoint la Sacem, ce qui correspond à une augmentation de 40 % du nombre de potentiels bénéficiaires de droits d’auteur en seulement 10 ans. Malgré la crise de l’industrie musicale, 4 à 5000 auteurs, compositeurs ou éditeurs rejoignent chaque année la Sacem. Du jamais vu. Par ailleurs il y a eu « explosion incroyable du nombre de média qui diffusent de la musique« , ce qui a amené des ressources supplémentaires.
« De plus en plus de nos concitoyens se sentent pousser des ailes de créateurs. Les différentes émissions de vulgarisation y sont sûrement pour quelque chose« , nous explique Laurent Petitgirard. Malgré l’impopularité qu’on lui prête, le nombre de sociétaires qui quittent la Sacem serait au contraire négligeable, de l’ordre d’une vingtaine par an.
Or avant autant de nouvelles bouches à nourrir, la croissance des recettes n’a pas été suffisante pour maintenir le revenu moyen des sociétaires de la Sacem. Il est passé de 4 682 euros en 2009 à 4 527 euros en 2011. Un chiffre qu’il faut toutefois prendre avec beaucoup de distance.
Car dans les faits, rares sont les membres de la Sacem à toucher des droits. 66 % des sociétaires ne reçoivent absolument rien (ils ont payé en revanche un droit d’entrée, actuellement de 121 euros). Ainsi en 2011, environ 94 000 adhérents à la société de gestion collective n’ont rien touché. Sur les 48 295 sociétaires qui ont reçu un chèque :
- 33 392 sociétaires ont touché moins de 1 000 euros de droits ;
- 11 155 ont touché moins de 15 000 euros de droits ;
- 2 566 sociétaires ont touché plus de 15 000 euros de droits (malheureusement, nous n’avons pas le détail des tranches supérieures qui serait sans doute très instructif).
Dit autrement, sur les 142 000 sociétaires encore vivants de la Sacem, 1,2 % seulement ont touché l’équivalent du Smic.
Dit encore autrement, 98,8 % des auteurs et/ou compositeurs touchent moins que le smic en droits d’auteur. Et pourtant ils créent de la musique, comme les 1,2 % restants.
Il y a deux manières d’analyser ces chiffres. La première est de constater qu’il est faux de prétendre que les auteurs gagnent beaucoup mieux leur vie qu’il y a 10 ans, puisque l’écrasante majorité est toujours aussi démunie (du point de vue des droits d’auteur qu’ils touchent). La seconde est de reconnaître qu’il est contestable de mettre autant d’efforts à entretenir un système de droits d’auteur qui brasse autant d’argent et génère autant de conflit, alors qu’il ne bénéficie finalement qu’à un très petit nombre de créateurs.
« Pour les 11 000 qui touchent quelques milliers d’euros, cette ressource complémentaire est très significative, c’est notamment le cas de beaucoup d’interprètes« , oppose Laurent Petitgirard.
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