En l'état actuel du droit, il est interdit de communiquer au public le résultat d'un scrutin général, qu'il soit partiel ou définitif, tant que tous les bureaux de vote situés sur le territoire métropolitain ne sont pas fermés. Ces dispositions s'appliquent aussi bien à la presse qu'à tout moyen de communication au public par voie électronique et figurent dans l'article L52-2 du Code électoral.
Voilà pour la théorie. En pratique, les choses se sont passées différemment. L'interdiction d'évoquer les résultats lors des deux dernières élections présidentielles n'a pas été systématiquement suivie par les internautes. D'une part, parce que les médias étrangers (belges, suisses, luxembourgeois…) ne sont pas tenus de respecter la législation électorale française. Et d'autre part, parce qu'Internet est un réseau global.
Radio Londres
L'émergence du mot-clé "Radio Londres" sur Twitter pour commenter les résultats lors des deux tours de la dernière élection présidentielle est à ce titre révélateur. Les internautes ont utilisé des messages codés pour donner certaines tendances, par exemple en utilisant la métaphore footballistique "Les Pays-Bas mène face à la Hongrie", en référence au patronyme de Hollande et à l'origine de Sarkozy.
Ainsi, les internautes ont souligné l'obsolescence du Code électoral et, surtout, l'incapacité des autorités à faire respecter la loi sur les moyens de communication au public par voie électronique : autrement dit, les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter. Et si les médias ont, de leur côté, bien respecté les consignes, la tendance remarquée en 2007 et confirmée en 2012 va très certainement exploser en 2017.
Ce problème a été soulevé par la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle, dont le rapport a été publié ce mardi au Journal officiel. Remarqué par Benoît Tabaka sur Twitter, le document a évoqué des pistes pour éviter que la diffusion prématurée de résultats partiels, de sondages ou d'estimations de résultats n'altère la sincérité du scrutin.
Une diffusion malsaine pour la vie démocratique
"Si les résultats de l'élection, compte tenu de l'écart des voix, n'en ont pas été faussés, l'ampleur avec laquelle des résultats partiels ou des estimations de résultats ont été diffusés par la voie d'internet et des réseaux sociaux doit conduire à réexaminer la pertinence des règles applicables", écrit la commission.
"Il est, en effet, particulièrement malsain que l'événement politique le plus important de la vie démocratique française s'accompagne d'une violation aussi massive d'une des règles édictées par le législateur dans le but de préserver le libre choix des électeurs et la sincérité du scrutin", poursuit-elle.
Celle-ci consiste à modifier les horaires de fermeture des bureaux de vote pour l'élection présidentielle, afin de "remédier à ce désordre et de prévenir les conséquences qui peuvent en résulter quant à la sincérité du scrutin". Mais attention : pas question pour autant d'aligner exactement les horaires des bureaux situés en province à ceux des grandes agglomérations.
Pas d'alignement des horaires, mais un resserrement
"L'idée la plus naturelle serait, pour ce qui concerne la métropole, d'aligner l'heure de fermeture de tous les bureaux", avance tout d'abord la commission. Mais cela n'est pas sans conséquences. "La fixation d'une heure uniforme de fermeture à 20 heures aurait aussi pour conséquence de retarder sinon les soirées électorales diffusées sur les chaînes de radio et de télévision, du moins l'heure à compter de laquelle ces chaînes sont en mesure d'annoncer de premières estimations de résultats".
Pour la commission, une solution intermédiaire consiste à "retarder à 19 heures la fermeture des bureaux de vote qui ferment aujourd'hui à 18 heures". Les bureaux de vote des grandes villes continueraient quant à eux d'accueillir les électeurs jusqu'à 20 heures. Ainsi, "les premières estimations ne seraient pas susceptibles d'être diffusées significativement avant l'heure de fermeture des derniers bureaux de vote".
Reste à savoir si les suggestions de la commission seront suivies par les politiques, et dans quelles proportions. Si fermer unilatéralement tous les bureaux de vote posent des contraintes réelles, dans la mesure où le dépouillement est assuré par des bénévoles, il est à craindre que même un resserrement de l'horaire de fermeture ne suffise pas à contenir les fuites sur Internet.
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