Tout habitués que nous étions à voir les ministres de la Culture courber l'échine devant la moindre des exigences de lobbys culturels, l'attitude d'Aurélie Filippetti ces dernières semaines a pu surprendre. Celle qui succède à Renaud Donnedieu de Vabres (DADVSI), Christine Albanel (Hadopi 1) et Frédéric Mitterrand (Hadopi 2), a plusieurs fois attaqué l'Hadopi et promis une baisse drastique de son budget. Elle a aussi enterré des projets auxquels tenait la filière, ce qu'on ne croyait plus possible.
En particulier, la ministre a rangé au placard le projet de Centre National de la Musique (CNM), qui devait apporter à l'industrie musicale de nouvelles sources de financement, notamment par le truchement d'une redistribution des taxes prélevées sur les fournisseurs d'accès à internet. Trop cher, trop mal foutu, expliquera-t-elle en substance, rappelant par exemple que les taxes sur les FAI étaient menacées de sanction au niveau européen, et qu'il était donc dangereux de créer une institution reposant sur sable mouvant.
Or plus encore que ses attaques répétées contre l'Hadopi, c'est cette sortie contre le CNM qui a mis le feu aux poudres entre Aurélie Filippetti et l'industrie culturelle. On peut toucher au bâton que l'on sait inefficace pour lutter contre le piratage, mais pas à la carotte que l'on veut avoir pour dîner.
Malheureusement, ce "faux-pas" qui avait le défaut de la franchise et du réalisme pourrait bien signer la fin de l'exception culturelle à la Rue de Valois. En effet, selon ElectronLibre (sur abonnement), "de sources gouvernementales, [Aurélie Filippetti] aurait été « recadrée » dernièrement après les réactions de colère que sa décision de stopper le CNM avait provoqué". Et c'est pour cela que lors de la conférence de presse de présentation de la mission Lescure, mardi matin, la ministre se serait montrée très timide au moment d'évoquer le sort de l'Hadopi. Ce n'est plus son dossier, et il ne faut plus rien dire ou faire qui puisse fâcher.
"Pierre Lescure s’est lui mouillé concernant le destin d’Hadopi", relate Electron Libre. "L’ancien patron de Canal Plus, qui a montré lors de cette conférence une vraie pugnacité sur ces sujets, s’est déclaré favorable à une « sanction » mais cela en tout dernier lieu (…) L’Hadopi est donc de moins en moins menacée : « Je ne saurais pas dire si le vocable sera changé« , a fait remarquer le missionné".
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