Si certains, comme Kim Dotcom, ambitionnent d’utiliser le Bitcoin comme outil de paiement pour MegaUpload 2, d’autres entendent généraliser son usage dans les enseignes physiques pour en faire une monnaie aussi courante que l’argent liquide ou les cartes bancaires. Au Japon, deux grandes entreprises vont en effet intégrer la monnaie virtuelle prisée des internautes depuis 2009 à leurs moyens de paiement.
Dès ce vendredi 7 avril, la chaîne de magasins Bic Camera, spécialisée dans la vente de produits tech, s’associe avec bitFlyer, la plus grande plateforme d’échange de bitcoins au Japon, pour permettre à ses clients du grand magasin de Yurakucho et d’une autre adresse à Shinjuku, deux quartiers de Tokyo, de régler des achats jusqu’à 100 000 yens (environ 850 euros) en utilisant les bitcoins. Ceux-ci leur permettront d’obtenir des points de fidélité à l’instar d’un achat classique.
De son côté, le conglomérat Recruit Holdings s’associe avec la plateforme d’échange Coincheck pour ajouter la monnaie virtuelle à AirRegi, son outil de paiement rapide (compatible avec Apple et Android Pay) déjà intégré dans 260 000 restaurants et commerces japonais. Cette implémentation promet une extension potentielle bien plus rapide du Bitcoin : il suffira d’utiliser la tablette fournie par l’enseigne ou son propre téléphone pour déduire l’achat effectué de son compte Bitcoin. Coincheck se charge ensuite de convertir la monnaie virtuelle en yens.
Un essor encouragé par le gouvernement
Si l’initiative est inédite par son ampleur, elle n’est pas une première pour autant : 4 500 magasins acceptent déjà les bitcoins au Japon. En janvier, la chaîne de supérettes Lawson a commencé à inclure les réglements grâce à Alipay, un moyen de paiement électronique, dans 13 000 enseignes. À la fin du mois, 52 000 transactions de ce genre ont été réalisées en seulement 13 jours, avec un pic dans les zones les plus touristiques comme Tokyo, Osaka, Kyoto ou encore de l’île d’Okinawa.
Les touristes — notamment ceux venus de Chine — représentent en effet des clients stratégiques puisqu’ils ont tout intérêt à utiliser les bitcoins pour s’éviter les aléas et les coûts des bureaux de change.
De son côté, le gouvernement japonais multiplie les initiatives pour faciliter l’essor de cette monnaie virtuelle utilisée par 20 millions de personnes dans le monde. Celle-ci est en effet officiellement considérée, depuis le 1er avril 2017, comme un moyen de paiement et les plateformes de transaction doivent s’enregistrer auprès de l’organisme gouvernemental chargé de veiller sur la stabilité du système financier japonais. L’essor du Bitcoin pourrait s’accroître encore plus en juillet, puisqu’à compter de cette date les achats de monnaie virtuelle devraient être exemptés de TVA.
La Chine, leader mondial en nombre de volume d’échange de bitcoins, est suivie de près par le Japon, où l’on dénombre au moins 600 000 utilisateurs. L’archipel a récemment accéléré le mouvement face à son voisin grâce à un changement résumé par Kazuyuki Shiba, économiste à l’institut des échanges monétaires internationaux : alors que la Chine représentait à une époque 90 % des échanges de bitcoin, le contrôle renforcé du gouvernement sur la monnaie, depuis janvier, a incité les utilisateurs à se tourner vers le yen plutôt que le yuan pour leurs échanges. Le spécialiste s’attend logiquement à une hausse d’utilisation de la monnaie virtuelle au Japon pour 2017.
Le spectre de la faillite de MtGox
Il faudra toutefois attendre avant de voir si les Japonais adoptent massivement ce moyen de paiement. Les doutes restent d’autant plus légitimes que l’archipel n’a pas oublié le crash spectaculaire, il y a trois ans, de MtGox, la plateforme d’échange de bitcoins située à Tokyo.
Mtgox, premier espace de transaction pour les utilisateurs de bitcoin avec 80 % des transactions mondiales, comptait des centaines de milliers de comptes et des millions de dollars d’échanges par jour jusqu’à sa fermeture brutale le 25 février 2014, qui a entraîné une chute massive de la valeur du bitcoin et la panique de nombreux internautes, dont les économies ont été emportées.
Le Japon permettra-t-il l’émergence du Bitcoin comme un moyen de paiement ordinaire ? Les premiers retours d’utilisation sur ces points de vente physiques donneront un premier indicateur du succès de l’initiative. Une adoption massive au niveau local n’entraînerait toutefois pas forcément un essor international, comme l’a prouvé la technologie du QR Code, qui n’a jamais décollé comme attendu à l’échelle mondiale, mais qui reste très prisée au Japon.
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