Free ne s'est pas contenté de proposer le blocage de la publicité sur les Freebox Révolution. Beaucoup plus discrètement, l'opérateur a intégré une option "blocage de la publicité" pour les abonnés à ses offres Free Mobile. Parce qu'elle n'est cette fois pas activée par défaut, cette option ne souffre pas des mêmes critiques fondamentales que le filtrage opéré sans même en informer les abonnés aux offres ADSL. Mais elle appelle aussi des questions.
En effet, avec le filtrage géré par la Freebox Révolution, Free restait dans le cas d'un filtrage opéré localement par le modem chez l'abonné, donc sous le contrôle de ce dernier. Même si Free considère pour des raisons juridiques que la Freebox fait partie de son propre réseau, le fait de pouvoir utiliser un autre modem que celui fourni par l'opérateur a fait dire notamment à Benjamin Bayart qu'il n'y avait pas d'atteinte à la neutralité du net (mais il dénonçait des "méthodes de voyous"). En revanche, le filtrage proposé par Free Mobile est d'une autre nature.
Le filtrage sur Free Mobile est opéré non pas par le terminal (un logiciel installé sur le smartphone) ou par un autre équipement sous le contrôle de l'abonné, mais directement au coeur du réseau. Free envoie à tous les lobbys et aux pouvoirs publics le signal qu'il accepte de bloquer des contenus en agissant au niveau de ses propres infrastructures. Il s'agit là de bloquer la publicité, mais il pourra s'agir demain de proposer de bloquer la pornographie, ou de façon plus pernicieuse, de bloquer les réseaux P2P.
Quelle sera la défense de l'abonné à internet qui se retrouve à jurer devant un tribunal qu'il n'a pas fait preuve de "négligence caractérisée" après un téléchargement illégal, alors qu'il n'a pas activé l'option "filtrage du piratage" proposé par son opérateur et suggérée par plusieurs recommandations successives de l'Hadopi ?
Par ailleurs, pour le moment il s'agit de proposer à l'abonné de soustraire des contenus à son abonnement. Mais Bruxelles a donné son feu vert à la création d'un internet morcelé, que l'abonné pourrait étendre avec l'achat de différentes options. Avec ce feu vert, qui peut garantir que Free ne proposera pas une option "débridage de YouTube" à 1 euro par mois ?
La boîte de Pandore est plus que jamais ouverte, et l'on peut se demander si Free a véritablement l'intention de la refermer.
Notez que pour le moment, l'option "blocage de la publicité" n'a aucun effet sur Free Mobile, même lorsqu'elle est activée. C'est aussi le cas sur les Freebox Révolution, depuis que Free a provisoirement désactivé le blocage de la publicité, le temps d'un ultimatum lancé à Google qui court jusqu'à la fin du mois. Mais il pourra le réactiver à tout moment, puisque Free opère son filtrage grâce à un DNS menteur à qui il a demandé, pour l'instant, d'arrêter de mentir.
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