Oui, Free Mobile a révolutionné le secteur de la téléphonie mobile en proposant des formules peu coûteuses, dotées de multiples fonctionnalités et autorisant de nombreux usages. Non, l'opérateur est encore loin d'être au niveau de ses concurrents directs, sa couverture du territoire et la qualité du service restent les deux principaux handicaps du nouvel entrant.
Tel pourrait être le résumé de l'étude technique approfondie (.pdf) organisée par l'UFC-Que Choisir pour tester le quatrième opérateur. Et le résultat n'est vraiment pas brillant : après avoir effectué pas moins de 2465 mesures sur deux smartphones (un iPhone 4S et un Samsung Galaxy S2), l'association chargée de défendre les consommateurs a un verdict sans appel : Free Mobile propose un réseau défaillant.
La médiocrité est telle que l'UFC-Que Choisir qualifie les taux mesurant la non qualité de "stupéfiants". Ceux-ci portent sur les points suivants : le chargement du contenu (vidéo ou musique par exemple) démarre, la séquence n'a pas démarré au bout d'une minute, le téléchargement n'est pas complété au bout de 2 minutes, la durée de la séquence est inférieure à la moyenne sur l'ensemble des réseaux propres.
Vidéo : YouTube, Dailymotion et Pluzz
Dans le secteur de la vidéo, la différence est abyssale : dans le cas où le débit est supérieur à 2 Mbps, le taux de non qualité pour Free Mobile en itinérance est de 78 % lorsqu'une vidéo est lancée sur YouTube là où Orange, SFR et Bouygues Télécom se situent entre 9 et 14 %. Et les soucis entre Free et YouTube n'expliquent pas tout. En effet, des écarts similaires se retrouvent avec Dailymotion et Pluzz.
Sur son propre réseau, Free Mobile a en revanche des performances bien supérieures. S'il reste encore très loin de ses rivaux, l'opérateur a un taux de non qualité qui n'excède pas, dans le pire des cas, 39 % (Pluzz lorsque le débit est entre 0,5 et 1 Mbps). Son meilleur taux de non qualité est de 15 % (YouTube, lorsque le débit est entre 1 et 2 Mbps). Les autres opérateurs ont tous un taux de non qualité inférieur à 18 %.
Musique : Deezer
Du côté de la musique, les résultats ne sont pas brillants non plus même s'ils sont meilleurs que ceux mesurant la vidéo en itinérance. Ainsi, le taux de non qualité de Free Mobile en itinérance va de 37 à 44 % selon les débits de la ligne. En revanche, le trublion des télécoms fait mieux sur son propre réseau, puisque les scores sont entre 18 et 29 %. Les autres opérateurs ne dépassent pas 11 %.
Pour l'UFC, l'évolution des résultats est étrange. Si le taux de non qualité baisse sur son réseau en propre à mesure que le débit progresse (29 % entre 0,5 et 1 Mbps, 25 % entre 1 et 2 Mbps, 18 % au-delà de 2 Mbps), ce qui est logique car un débit plus fort offre des meilleurs résultats, l'association s'étonne du mouvement de la courbe mesurant la qualité de Free Mobile en itinérance.
La courbe ne décroît pas dans ce cas de figure. Pire, elle remonte au moment où le débit est le plus élevé. Pour l'association, la question se pose : "y aurait-il une gestion du trafic pour décourager le téléchargement" en itinérance, pour limiter la facture vis-à-vis d'Orange ? "Dans une situation normale plus le débit est élevé, plus le confort d’utilisation d’un smartphone est élevé (ou plus l’expérience est bonne)".
Téléchargement de fichiers
Et pour le téléchargement de fichiers ? Là encore, Free Mobile fait défaut. En itinérance, le taux de non qualité atteint des sommets : entre 70 et 80 %. Et plus le débit progresse, plus le taux de non qualité augmente. Sur son propre réseau, le taux de non qualité reste en revanche plutôt stable, entre 27 et 30 %. C'est beaucoup plus bas qu'en itinérance, mais à des années-lumière des résultats enregistrés par la concurrence.
Là encore, l'évolution à la hausse de la courbe représentant le taux de non qualité des téléchargements effectués avec le réseau de Free Mobile en itinérance intrigue l'UFC. "Logiquement nous devrions observer l’inverse : la qualité doit s’améliorer à mesure que le débit augmente, c’est d’ailleurs ce que nous observons avec les opérateurs historiques mais aussi avec Free Mobile sur son propre réseau".
Des restrictions manifestes en itinérance
Pour l'association, ces différentes mesures effectuées sur deux terminaux, en deux vagues (du 1er au 7 novembre et du 5 au 9 décembre 2012) et dans trois zones géographiques (Île-de-France, Lille, Toulouse) ne laissent pas de place au doute. "L’ensemble de ces éléments contraint l’association à conclure à l’existence de restrictions sur les services en itinérance".
Et Orange est hors de cause. L'association s'appuie sur deux points pour l'affirmer : d'une part, ces problèmes sont anciens et n'ont entraîné aucune réaction de Free Mobile. Si Orange bridait effectivement l'itinérance pour gêner son concurrent, nul doute que Xavier Niel aurait été le premier à bondir et à s'en prendre à son partenaire dans les médias.
D'autre part, Orange a indiqué que le contrat d'itinérance signé avec Free Mobile "interdit toute discrimination entre les abonnés de ces deux opérateurs". En conséquence, la piste laissant croire que l'opérateur historique est la cause des maux de Free Mobile n'est pas pertinente.
"Tous les éléments semblent indiquer que Free Mobile agit de manière à décourager la consommation de données pour éviter de payer à Orange une trop grande quantité de données", conclut l'association.
L'UFC-Que Choisir porte plainte
Que va-t-il se passer désormais ? Face à une gestion de trafic manifeste, l'UFC-Que Choisir annonce qu'elle porte l'affaire devant les tribunaux. L'association estime que l'opérateur, aussi sympathique soit-il, se joue se de ses clients et a des pratiques commerciales trompeuses. C'est donc au nom des articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation que l'opérateur fonde son action.
En marge de son action en justice, l'UFC-Que Choisir estime que les résultats recueillis dans le cadre de l'étude technique approfondie du réseau mobile de Free démontrent la nécessité de la mise en place d'un observatoire indépendant chargé de contrôler la qualité de service sur les réseaux fixes et mobiles.
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