En 2009 apparaissait la première version de KissKissBankBank, soit la même année que le désormais incontournable Kickstarter. Fondée par trois entrepreneurs venant d’horizons finalement assez différents — la musique, la pub et la tech — la startup cultive rapidement sa singularité sur un marché en plein essor à travers plus de 27 000 projets financés à ce jour.
La fintech, oui, mais éthique
Pour se démarquer des autres, KissKissBankBank développe dès sa création une identité forte et une ambition éthique assumée. Après leur plateforme de financement collaboratif à-la-Kickstarter, les Français récidivent en multipliant les plateformes de fintech participatives — notamment avec Hellomerci, dédié aux prêts entre particuliers ou encore Lendopolis qui va s’adresser aux professionnels.
Selon Vincent Ricordeau, co-fondateur, il s’agissait pour sa startup de développer une vraie boîte à outils de la fintech, accessible à chacun. Une ambition qui a séduit la Banque Postale qui, cette semaine, a annoncé le rachat de KissKissBankBank.
Comme nous le précise le co-fondateur, la startup et la banque traditionnelle collaboraient déjà depuis six ans. L’un et l’autre se retrouvant, selon Ricordeau, sur un « ensemble de valeurs ».
« Il y a encore cinq ans, je vous aurais répondu que, jamais, nous ne vendrions KissKissBankBank à une banque… »
Le statut singulier de la Banque Postale, un service public, rassure l’entrepreneur défenseur d’une fintech citoyenne. Il explique : « C’est en confiance que nous rejoignons la Banque Postale. Son histoire et nos collaborations m’assurent que l’ADN que nous avons défendu jusque-là sera préservé. » Celui qui critique toujours vertement les grandes banques françaises précise : « S’il y a bien sûr toujours des choses qui nous choquent dans les institutions financières actuelles, je sais qu’avec la Banque Postale, nos ambitions éthiques ne seront pas abandonnées. »
Le crowdfunding, allié naturel des banques ?
Dans un contexte de lourde concurrence pour les entreprises de fintech française, M. Ricordeau concède qu’en réalité, il devenait pressant pour KissKissBankBank de s’attacher à une institution traditionnelle à l’instar de Le Pot Commun (racheté par BPCE).
« Il y a encore cinq ans, je vous aurais répondu que jamais nous ne vendrions l’entreprise à une banque. Aujourd’hui, nous devons observer qu’il existe un risque à rester indépendant depuis que les grands groupes s’attaquent aux fintech », rappelle l’entrepreneur. Pour lui, le mouvement actuel qui rapproche les fintech des institutions traditionnelles est à considérer sur le temps long : ce qui apparaissait hier comme une hybridation contre-nature tend aujourd’hui à devenir la norme.
Pour ce pionnier d’une fintech citoyenne, l’apport d’une banque avec pignon sur rue est évident : « C’est une promesse de croissance pour nos activités, la Banque Postale nous offre une crédibilité supplémentaire et va nous permettre de toucher un plus large public. » Avec une présence dans les territoires très forte — plus de 17 000 points de contact — l’institution semble en effet à même de faire passer la barrière du web à la startup.
Et c’est également l’objectif de KissKissBankBank qui comme le rappelle le co-fondateur garde ses locaux, son personnel et une feuille de route ambitieuse pour son développement. Au fil de la discussion, l’entrepreneur parle par ailleurs avec enthousiasme de l’agrandissement de ses locaux parisiens : « Nous allons accueillir un incubateur pour les fintech », détaille-t-il. L’objectif ? Devenir une plateforme pionnière et leader en outils de financement participatif.
Remettre du jus dans l’économie française
Revigoré par le « très bon deal » (dont le montant reste secret) avec la Banque Postale, le boss énumère ses projets : « prolonger notre vision citoyenne, ouvrir une plateforme pour devenir actionnaire en quelques clics, en somme : remettre du jus dans l’économie réelle » résume-t-il joyeusement.
Et la Banque Postale, banque de nos campagnes et des petits revenus, que gagne-t-elle ? « Nous allons les disrupter de l’intérieur », glisse malicieusement Ricordeau. « Ensemble, nous pouvons dessiner une banque de demain qui conjugue nos expériences. La banque postale est en voie de « digitalisation », elle est ouverte à une logique de disruption. » Le co-fondateur va jusqu’à comparer la banque de la plus ancienne société française à une startup : « Ils veulent passer d’une logique de produit, où vous trouvez pèle-mêle téléphonie, PEL, etc., à une logique d’expérience. »
Avec un objectif commun pour les deux boîtes désormais mariées : réveiller l’épargne des Français.
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