En charge du ministère du redressement productif, c'est-à-dire de l'industrie, Arnaud Montebourg n'hésite pas à faire vibrer la corde du patriotisme économique sur certains dossiers. Cette approche a ainsi pu être observée avec Dailymotion, où l'ancien député de Saône-et-Loire s'est opposé à l'appétit de Yahoo pour la plateforme de vidéo. Elle peut être constatée aujourd'hui avec Alcatel-Lucent.
La chute d'Alcatel-Lucent
Car en effet, le groupe français traverse une passe très difficile. Bien qu'il demeure encore l'un des principaux équipementiers dans le monde, la concurrence féroce des firmes étrangères – et en particulier chinoises – le place dans une situation intenable. L'entreprise, qui enregistre une perte annuelle de 800 millions d'euros depuis dix ans, compte donc tailler dans ses effectifs pour rebondir.
En France, le plan de la société concerne 1800 postes. La moitié va disparaître tandis que le reste va "évoluer vers d'autres métiers en restant dans le groupe, ou en allant travailler chez des partenaires". Alcatel-Lucent procédera aussi à la fermeture de deux sites sur treize et réorganisera sa présence en France autour de deux grands sites.
Soucieux que la France ne paie pas le tribut le plus élevé, l'exécutif compte faire appel au soutien des principaux opérateurs français afin que le groupe puisse avoir un débouché commercial favorable pour ses produits. Selon l'AFP, qui cite Arnaud Montebourg, trois des quatre entreprises concernées ont d'ores et déjà répondu positivement à la demande gouvernementale, mais leur identité demeure secrète.
Le soutien des opérateurs mobiles
D'après les informations de l'agence de presse, Orange fait appel à Alcatel-Lucent pour la moitié de ses équipements destinés à son réseau de téléphonie mobile, l'autre moitié étant fournie par le suédois Ericsson. Concernant SFR, c'est 20 % et le reste provient du chinois Huawei et du finlandais Nokia Siemens Networks (40 % chacun).
En revanche, Bouygues Télécom et Free travaillent avec d'autres équipementiers. Toujours selon la source de l'AFP, 50 % du matériel utilisé par Bouygues est fourni par Ericsson et 50 % par Huawei. Concernant Free, il ne fait appel qu'à Nokia Siemens Networks. Là encore, il n'est question que des équipements destinés aux réseaux de téléphonie mobile.
La situation concernant les autres domaines d'activité du groupe (routage, transport IP, plateforme IP, réseaux fixes) n'est pas précisée.
La sécurité nationale, à brandir avec modération
Par ailleurs, le gouvernement pourrait donner un autre coup de pouce à Alcatel-Lucent. L'exécutif envisage de suivre les recommandations du rapport Bockel, qui invite les pouvoirs publics à écarter les entreprises asiatiques au nom de la sécurité nationale. Et les entreprises concernées pourraient être Huawei, ZTE et Samsung, accusées par ailleurs de dumping (pour les deux premières) pour s'imposer.
Le sénateur Jean-Marie Bockel suggère "d'interdire sur le territoire national […] le déploiement et l'utilisation de routeurs ou d'autres équipements de cœur de réseaux qui présentent un risque pour la sécurité nationale". Mais cette décision, où les motifs de sécurité nationale se superposent à des motivations économiques, pourrait être une fausse bonne idée… et handicaper Alcatel-Lucent au lieu de l'aider.
En effet, Alcatel-Lucent a signé fin septembre un "gros contrat" en Chine avec China Mobile pour déployer 23 000 stations de base dans le pays. Or, le rétrécissement du marché français pour des considérations de sécurité nationale ou économiques pourrait mal passer dans l'Empire du Milieu et entraîner des rétorsions. Et il n'est pas certain qu'Alcatel-Lucent puisse se passer de ce marché.
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