Ceux et celles qui espéraient, avec l’affaire Google contre Bercy, porter un coup aux sociétés américaines devenues de sacrées expertes de l’optimisation fiscale viennent de subir un sacré revers. Alors qu’un redressement fiscal sur l’impôt sur les sociétés pendait au nez de la firme de Mountain View depuis des années — il était question d’une somme de 1,115 milliard d’euros –, le tribunal administratif de Paris en a décidé autrement.
L’enjeu de l’établissement stable
Dans un jugement long de 31 pages rendu mercredi 12 juillet, la juridiction a donné raison à la société Google Ireland Limited, filiale du groupe américain Google Inc, en considérant, au sujet de l’impôt sur les sociétés et de la retenue à la source, qu’elle ne disposait pas d’un « établissement stable » en France. Or, si la convention fiscale franco-irlandaise prévoit bien la possibilité d’un imposition, celle-ci ne peut se faire qu’à la condition de l’existence d’un établissement stable dans l’Hexagone.
Pour démontrer l’existence d’un établissement stable, deux conditions cumulatives étaient requises : d’abord montrer que Google France dépend de Google Ireland Limited et ensuite constater que le premier peut engager juridiquement le second. Or, le tribunal administratif de Paris a estimé que la seconde condition fait défaut. Et pour cause : les liens entre Google France, Google Ireland Limited et Google Inc sont conçus d’une façon bien particulière.
Si Google France et Google Ireland Limited sont toutes les deux des filiales de Google Inc, la première se contente de fournir une assistance commerciale et des conseils à la clientèle française de la seconde, via un contrat conclu entre elles. Mais en ce qui concerne la commercialisation en France d’AdWords, qui est le service publicitaire de la firme de Mountain View, c’est Google Ireland Limited qui a les rênes, explique le tribunal dans son communiqué :
« Les salariés de Google France ne pouvaient procéder eux-mêmes à la mise en ligne des annonces publicitaires commandées par les clients français, toute commande devant en dernier ressort faire l’objet d’une validation de Google Ireland Limited ».
Le tribunal administratif a aussi épargné Google sur la TVA et la cotisation minimale de taxe professionnelle et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Pour la TVA en particulier, la juridiction a rappelé que la jurisprudence européenne requiert des moyens humains et techniques (pas de serveurs en France, par exemple) pour que puisse être constaté la capacité à réaliser des prestations publicitaires de manière autonome.
Ce qui n’est pas le cas pour Google France, d’une part parce que son personnel hexagonal se borne à de l’assistance et du conseil et n’a pas l’autorité pour mettre en ligne les annonces publicitaires commandées par les clients français, et d’autre part parce que le matériel informatique de l’entreprise en France ne permette pas à lui seul la réalisation des prestations publicitaires de Google Ireland Limited en France.
Mais l’affaire ne devrait toutefois pas en rester là.
Le ministère de l’économie et des finances ayant la possibilité de faire appel du jugement. Reste à savoir si la nouvelle équipe gouvernementale voudra continuer le combat judiciaire contre Google. L’ex-ministre des finances et des comptes publics avait fait comprendre que « ils ne sont pas dans une logique de négociation. Ils sont dans une logique de mise en œuvre des règles applicables ». Mais pour l’instant, il apparaît que les règles sont en faveur de Google.
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