La chancelière allemande Angela Merkel avait annoncé qu'elle venait mercredi à Paris avec, au programme des discussions avec le président François Hollande, l'idée curieuse d'un réseau internet européen (en réalité surtout un cadre réglementaire obligeant à traiter en Europe les données des Européens). Finalement, le sujet n'a pas été abordé du tout par les deux protagonistes lors de leur déclaration préliminaire à la conférence de presse commune, mais elle le fut brièvement lors des questions des journalistes.
"La Chancelière avait pris des positions qui étaient d’ailleurs voisines des nôtres, il y a quelques jours, pour que nous donnions toute l’ampleur nécessaire à l’investissement dans le numérique à l’échelle de l’Europe et que nous puissions créer des ensembles qui puissent être capables d’être leader pour être compétitifs. C’est ce que nous essayons de faire dans chacun de nos pays et en ayant un marché du numérique avec une question que nous avons aussi à régler, que nous avons évoquée aujourd’hui qui est la protection des données personnelles. Voilà sur ce sujet", s'est contenté de répondre François Hollande, visiblement peu à l'aise avec la question.
Angela Merkel s'est montrée tout aussi évasive : "Pour ce qui est de l’agenda numérique en général, de la protection des données, du numérique en général, il y a beaucoup de retard à rattraper ; nous travaillons au règlement sur la protection des données, c’est difficile en Europe, nous essayons d’obtenir rapidement un résultat ambitieux, et puis sinon nous avons beaucoup de pain sur la planche en Europe, c’est cette Europe du XXème siècle, c'est d’avoir la capacité industrielle et économique de ne pas être largués sur les marchés internationaux. C'est la production des puces, le développement des logiciels, c'est le développement des réseaux numériques ; et voilà pourquoi le numérique joue un rôle croissant dans notre coopération ; et les conditions cadres européennes doivent être propices à l’investissement".
De là à dire que le projet est déjà chancelant, il n'y a qu'un pas. Mais en France, les sénateurs ont emboîté le pas à la chancelière allemande. "La mission commune d’information sur le nouveau rôle et la nouvelle stratégie de l’Union européenne dans la gouvernance mondiale de l’Internet, créée au Sénat fin 2013, se félicite que l’enjeu de l’autonomie européenne sur Internet soit ainsi soulevé au plus haut niveau", indique ce jeudi un communiqué de presse du Sénat.
"Nous ne pouvons pas nous résigner"
Gaëtan Gorce, le président socialiste de la mission sénatoriale sur la gouvernance d'Internet, affirme que "nous ne pouvons pas nous résigner à la perte de contrôle des Européens sur leurs données personnelles".
"La mission sénatoriale explore des pistes à la fois techniques, industrielles, juridiques et diplomatiques pour permettre à l’Europe de faire respecter ses valeurs sur Internet, tout en préservant l’unité et l’ouverture qui font du réseau mondial une innovation exceptionnelle et riche de possibilités".
Depuis le début de ses travaux en fin d'année dernière, la mission sénatoriale a auditionné de nombreux acteurs de premier plan comme le vice-président de Google et inventeur du web Vinton Cerf, ou l'ancien président du W3C, Jean-François Abramatic. Le Sénat propose aussi aux internautes d'apporter leurs contributions avec un espace participatif.
La mission, qui se rendra le 12 mars prochain à Berlin pour parler du sujet, souhaite aussi entendre (à l'instar du Parlement européen) l'ancien agent de la NSA Edward Snowden, actuellement expatrié en Russie.
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