C'est peu dire que l'accord antitrust négocié entre Google et la Commission européenne ne fait pas l'unanimité, tant il est étrangement favorable à Google. Le géant américain a obtenu de Bruxelles de ne pas céder un pouce à la mise en avant de ses propres services dans les résultats du moteur de recherche, et de simplement faire payer à ses concurrents une éventuelle mise en avant de leurs services aux côtés de ceux de Google.
Non seulement la firme de Mountain View garde la possibilité d'exploiter sa position ultra-dominante pour faire connaître les nouveaux services qu'il lance sur d'autres marchés, mais en plus la Commission Européenne valide (et même impose) un modèle économique qui permet à Google de vendre aux enchères les positions les plus favorables de ses résultats de recherches.
Le résultat des négociations avaient déjà fait bondir les professionnels, elle fait aussi réagir les pouvoirs publics. Trois membres du Conseil National du Numérique (CNNum), dont son président Benoît Thieulin, ont publié ce lundi dans Les Echos une tribune sur la régulation de "Google et consorts". "L'Europe ne doit pas hésiter à rejeter des engagements qui ne seraient pas à la mesure des enjeux", écrivent les co-signataires, qui élargissent la problématique des moteurs de recherche à celle de l'ensemble des "plateformes" comme Facebook, Twitter, l'App Store d'Apple ou Google Play, qui deviennent de véritables passages obligés pour les professionnels du numérique.
Imposer une neutralité des plateformes
"Les plates-formes deviennent un débouché critique pour tous les secteurs d'activité tournés vers le consommateur. Les évolutions de modèles d'affaires relèvent de la liberté d'entreprendre mais les systèmes d'enchères pour le référencement sur les plates-formes ne doivent pas conduire à détériorer la qualité ou la diversité de choix", demandent Pascal Daloz, Francis Jutand et Benoît Thieulin. "Il n'est pas anormal que des responsabilités supplémentaires s'imposent à une plate-forme lorsqu'elle devient dominante ; a fortiori lorsqu'elle entre en concurrence avec ses propres clients et qu'elle détient le pouvoir d'ajouter des barrières à l'entrée sur son propre marché".
Dès 2010, Numerama avait suggéré l'idée de scinder Google en plusieurs entités, sur le modèle de ce qui avait été envisagé pour Microsoft à l'encontre d'Internet Explorer, lorsque la domination écrasante du navigateur de Microsoft menaçait l'écosystème du web. Il s'agit de prendre conscience de la responsabilité économique et sociale d'un acteur surpuissant comme Google, et de lui appliquer les seules méthodes réellement aptes à l'empêcher d'abuser de ses pouvoirs. L'idée radicale a parfois été imitée, notamment par le patron de la SNCF.
Mais rares sont encore ceux qui osent aller aussi loin.
Y compris au Conseil National du Numérique. Les signataires de la tribune ne proposent pas de séparer les activités de moteur de recherche de Google de ses autres activités marchandes, mais de "définir le pendant de la neutralité du Net pour les plates-formes". C'est un chantier ouvert depuis un an au sein du CNNum, et piloté par Francis Jutand, Directeur Scientifique de l'Institut Mines Télécom. "Nous avons besoin d'affirmer des valeurs et de poser des orientations structurantes pour les acteurs économiques et les citoyens", écrivent-ils, en se félicitant de l'idée d'une plus forte régulation européenne d'Internet, voulue par Angela Merkel (mais finalement quasi absente du bilan de sa rencontre avec François Hollande).
"Les signaux envoyés par le commissaire Almunia sont décevants, mais la main tendue d'Angela Merkel témoigne d'une prise de conscience de l'ampleur des enjeux pour la viabilité de l'écosystème numérique européen. Espérons que la rencontre franco-allemande s'inscrive dans une dynamique durable pour que nous nous dotions enfin d'une stratégie numérique européenne", concluent les trois membres du CNNum.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Abonnez-vous gratuitement à Artificielles, notre newsletter sur l’IA, conçue par des IA, vérifiée par Numerama !