Si c’est une proposition que compte faire Google pour essayer d’apaiser les craintes de la Commission européenne au sujet des pratiques de la firme de Mountain View dans la recherche, elle est franchement gonflée. Elle traduirait même un certain mépris à l’égard des problématiques soulevées par l’enquête conduite par Bruxelles sur les abus commis par Google, du fait de sa position dominante dans la recherche.
D’après les informations de Reuters et de Bloomberg, le géant du net aurait en effet l’intention de proposer aux services européens un système consistant à vendre des espaces d’affichage sur son moteur de recherche — qui est de très loin le plus utilisé en Europe — aux services concurrents. Une proposition du même ordre avait été faite en 2013 par Google mais elle n’avait pas convaincu à l’époque Bruxelles.
La proposition de Google, si elle maintenue en l’état, consisterait à prendre acte de la triche du groupe et, au lieu de résoudre ce problème sur le fond, c’est-à-dire recréer les conditions d’une concurrence libre et non faussée sur le moteur de recherche, à en tirer profit en mettant en vente des espaces dans lesquels la concurrence devrait faire faire la meilleure offre — des enchères, donc — pour y figurer.
Google serait donc gagnant à tous les coups : en profitant pendant plusieurs années des modifications avantageuses de son moteur de recherche, qui ont visé à mettre en avant artificiellement ses services plutôt que ceux de la concurrence ; et, maintenant que la Commission européenne lui met la pression, en commercialisant des espaces d’affichage pour ses rivaux qui lui permettront de gagner de l’argent.
Rappelons que lorsque Google a été condamné à une amende de 2,4 milliards d’euros, la Commission européenne a déclaré que « Google a abusé de sa position dominante sur le marché des moteurs de recherche en favorisant son propre service de comparaison de prix dans ses résultats de recherche et en rétrogradant ceux de ses concurrents ». Bref, il a triché.
« Ce que Google a fait est illégal au regard des règles de concurrence de l’Union européenne. [Le groupe] a empêché les autres sociétés de livrer concurrence sur la base de leurs mérites et d’innover. Et surtout, elle a empêché les consommateurs européens de bénéficier d’un réel choix de services et de tirer pleinement profit de l’innovation », ajoute la responsable de la concurrence au sein de la Commission.
Perplexité et rire…jaune
Quelques concurrents ont d’ores et déjà réagi, à l’image de Qwant : « nous devons admettre que nos concurrents ont parfois un sens de l’humour avec lequel nous ne rivaliserons jamais. Ne laissez pas l’affaire Android être aussi drôle », en référence à un autre dossier dans lequel Google pourrait avoir des gros ennuis (comprendre : une lourde amende) avec Bruxelles.
Ces enchères « créeraient simplement une barrière anticoncurrentielle supplémentaire, qui formaliserait la transformation du trafic gratuit et pertinent en trafic payant pour tous les services, mais pas pour Google », a réagi pour sa part Foundem. Même son de cloche chez Beuc, qui évoque une éventuelle hausse des prix sur les biens vendus par des tiers afin d’absorber le prix des enchères.
Pas sûr non plus que Margrethe Vestager, la commissaire européenne qui suit ce dossier et qui considérait que les premiers éléments de correction avancés par Google allaient dans le bon sens, apprécie cette piste de travail.
La Commission européenne laisse à Google le soin de déterminer la façon la plus adéquate pour respecter les règles de la concurrence. Mais attention à ne pas proposer n’importe quoi ; tout manquement pourra entraîner le déclenchement d’une autre procédure, avec des astreintes pouvant s’élever à 5 % du chiffre d’affaires moyen réalisé dans le monde par la société-mère de Google.
Nouveau bras de fer ?
Comme l’a rappelé Bruxelles, Google doit « respecter le simple principe d’égalité de traitement entre les services concurrents de comparaison de prix et son propre service » et « appliquer aux services de comparaison de prix concurrents les mêmes procédés et les mêmes méthodes de placement et d’affichage sur ses pages de résultats de recherche qu’à son propre service de comparaison de prix ».
Va-t-on donc vers un nouveau conflit entre Google et la Commission européenne ? En tout cas, la firme de Mountain View s’est fortement renforcée sur le terrain juridique ces dernières semaines pour contester son amende et obtenir l’annulation de son montant. Le géant du net pourra-t-il toutefois y échapper ? Rien n’est moins sûr. D’autant qu’il risque de voir la facture s’alourdir, surtout s’il fait preuve d’autant de légèreté.
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