Relayée sur ses réseaux sociaux par la police, la Gendarmerie nationale utilise Facebook et Twitter pour diffuser une information qui relève de la légende urbaine, à propos de l'inscription sur les façades de signes codés par les cambrioleurs et leurs complices.

La police française et la gendarmerie nationale se sont mis depuis plusieurs mois à utiliser énergétiquement les réseaux sociaux, avec une certaine réussite inspirée du modèle espagnol qui fait école dans le monde entier. En s'adressant directement à leurs concitoyens sur Facebook ou Twitter, avec un savant dosage entre humour et sérieux, les forces de l'ordre parviennent à nouer une relation de proximité utile pour leurs enquêtes et pour la prévention. 

Mais font-elles toujours bon usage de ces outils de communication directe avec la population ? Comme le fait remarquer l'avocat @decimaitre sur Twitter, la Gendarmerie nationale a publié sur son compte Facebook un message de prévention mettant les internautes en garde sur "des signes qui ne trompent pas", censés montrer que l'on sera bientôt victime d'un cambriolage. 

"Nous partageons un post de la gendarmerie du Cher qui fait de la prévention en matière de cambriolage. Elle nous alerte sur les signes, plus ou moins discrets, laissés par des cambrioleurs, lors de leurs repérages, sur la façade, le portail, la boîte aux lettres ou un endroit visible à l'extérieur des habitations. Ces signes particuliers indiquent si la maison est inhabitée, contient de l'argent, est protégée par une alarme, un chien, si elle est occupée par une femme seule, etc.", raconte la Gendarmerie, qui invite à faire connaître son message. "N'hésitez pas à partager cet article !", demande-t-elle.

Mais le site Hoaxbuster, spécialisé dans le démontage argumenté des canulars, avait réalisé dès 2012 une longue enquête sur ces prétendus "signes qui ne trompent pas". Il en ressort qu'il s'agit pour l'essentiel d'une légende urbaine héritée de décennies de canulars ou de méprises, voire de clichés racistes contre les Roms ou les Gitans, et qu'à tout le moins ces signes ne sont plus utilisés depuis bien longtemps. 

Hoaxbuster rappelle par exemple que "en août 1982, une vague de cambriolage à Bordeaux a semblé s'accompagner de marques sur les maisons visitées, jusqu'à ce que la police découvre qu'il s'agissait en fait de repères mnémotechniques utilisés par des démarcheurs à domicile…" :

Comme l'explique Jean-Bruno Renard, de telles marques sur le mur des maisons (cambriolées ou non) "peuvent avoir de multiples origines : blagues de gens qui ont vu le tract, signes de démarcheurs à domicile, et même, pourquoi pas, une utilisation de signes par quelques malfrats qui en ont eu l'idée après avoir eu connaissance d'un tract (mais aucune enquête de police ou de gendarmerie, et aucun aveu de cambrioleurs, n'a confirmé cette hypothèse) !"

C'est sans doute la raison pour laquelle en 1983, la Direction Départementale des Polices Urbaines des Hauts-de-Seine avait démenti être à l'origine d'un tract de ce type, et ajouté qu'elle ne disposait d'aucun élément permettant d'en confirmer la véracité.

En revanche, la Gendarmerie Nationale évoque le sujet sur son site, sans reproduire aucun code particulier. Serait-elle mieux renseignée que la Police ? Pas selon Jean-Bruno Renard, qui a examiné leur dossier sur le sujet, et a "vite vu qu'il s'agissait ni plus ni moins d'une collecte des rumeurs et des tracts sur les signes des cambrioleurs !"

Alors, pourquoi donc la Gendarmerie n'apporte-t-elle pas de démenti sur cette question ? Jean-Bruno Renard a une explication : "vraisemblablement parce qu'on ne peut pas apporter une preuve de l'absence (comme pour le monstre du loch Ness !) et aussi parce qu'il y a un intérêt social à entretenir le climat d'insécurité. Pour moi, la gendarmerie collecte ces données comme elle collecte les témoignages d'apparition de fantômes et de soucoupes volantes. Cela n'a rien à voir avec le fait qu'il y croient ou non !"

De son côté, la Police nationale a retweeté le message de la Gendarmerie pour le faire connaître à ses propres followers :

Problème : si la Gendarmerie et la Police diffusent en toute connaissance de cause de fausses informations, comment prendre au sérieux les vraies informations de prévention qu'elles diffusent par ailleurs ?

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