Nous savons qu'il existe encore sur le Web de très nombreux sites internet, y compris ceux édités par le Gouvernement, dans lesquels les conditions d'utilisation interdisent aux visiteurs de faire un lien hypertexte vers le site sans autorisation expresse.
Il suffit pour s'en convaincre de faire une recherche Google pour trouver quelques uns des sites qui précisent dans leurs CGU que "toute création de liens hypertextes doit faire l'objet d'une autorisation préalable".
Parmi eux figure Le Bon Coin (attention, lien créé en toute illégalité), le célèbre site français de petites annonces. L'article 3.3.2 de ses conditions d'utilisation stipule que "aucun lien hypertexte ne peut être créé vers le Service LEBONCOIN sans l'accord préalable et exprès de LBC France", et que "si un internaute ou une personne morale désire créer, à partir de son site, un lien hypertexte vers le Service LEBONCOIN et ce quel que soit le support, il doit préalablement prendre contact avec LBC France en lui adressant un email à l'adresse suivante [email protected]". Le site précise même à bon entendeur que "tout silence de LBC France devra être interprété comme un refus".
Lorsqu'en 2009 nous avions parlé pour la première fois de ce type de clauses d'interdiction des liens hypertextes, nous avions expliqué leur intérêt par la volonté farouche des juristes de s'ouvrir toutes les voies de recours possibles :
Plus que la gestion du risque, ces clauses sont révélatrices d'une culture juridique qui consiste à vouloir maîtriser tout ce qui touche aux marques et à la propriété intellectuelle dans les grandes entreprises, sans penser une seule minute que l'absence de contrôle peut être davantage bénéfique. Mais le plus révélateur, c'est la raison pour laquelle ces clauses préhistoriques existent encore : tout le monde s'en fiche. Personne ne lit les conditions d'utilisation des sites, et personne ne les respecte. Les entreprises elles-mêmes ne les font pas respecter parce qu'elles les savent absurdes.
Jusqu'au jour où pour une raison quelconque, par exemple pour museler un bloggeur qui aura dit du mal d'une entreprise et pointé vers son site, une de ces entreprises décide soudainement d'attaquer sur la base d'une violation contractuelle, à défaut de pouvoir prouver une diffamation.
A l'époque, nous n'avions aucun cas d'entreprise qui tente de faire respecter cette clause. Mais il faudra désormais parler au passé. En effet, le site Le Bon Mail qui propose un service de veille et d'alertes par e-mail pour les annonces publiées sur Le Bon Coin a reçu une mise en demeure (.pdf) de la part du site de petites annonces, qui ne voit pas l'initiative d'un bon oeil.
Parmi les arguments avancés, fondés sur la violation des marques commerciales de l'entreprise, figure un paragraphe inattendu :
Il est donc fait interdiction à Le Bon Mail de communiquer aux internautes les liens hypertextes menant vers les annonces susceptibles de les intéresser. Or depuis le 13 février 2014 et l'arrêt de la CJUE sur la légalité des liens hypertextes, il est difficile de maintenir avec certitude que les liens hypertextes ne sont jamais illégaux en soi, comme c'était jusqu'alors l'analyse.
Bien sûr, il ne s'agit que d'un instrument juridique visant à protéger le modèle économique du Bon Coin, qui gagne de l'argent par l'exploitation de son moteur de recherche interne (seules les annonces les plus récentes sont visibles dans les premières pages, mais il est possible de payer pour mettre à jour une annonce et faire qu'elle remonte dans les résultats). Or si un service d'alertes par e-mail permet de recevoir chez soi toutes les annonces sur un produit recherché dans une zone géographique donnée, les mises à jour payantes deviennent moins utiles aux vendeurs. C'est pourquoi Le Bon Coin lui-même ne propose pas un outil qui semble d'une utilité évidente.
Dans sa missive, Le Bon Coin explique d'ailleurs que Le Bon Mail lui porte préjudice parce qu'il a "pour effet d'entraîner une baisse d'audience importante". Et donc, pour garder cette audience, il interdit que d'autres sites fassent des liens vers le sien. Logique.
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