Spotify a menacé de poursuites juridiques les auteurs d’un livre (à paraître) qui retrace l’histoire du géant suédois du streaming, et révèle notamment que le service recourait, à ses débuts, à des fichiers MP3 pirates. Une information que Spotify a tenté de faire taire avant de finir par capituler.

Spotify, leader mondial du streaming audio avec ses 140 millions d’utilisateurs, préfère visiblement garder secrète une partie de son passé.

Dans un livre à paraître en 2018, dont les travaux de recherche liés ont été financés par le Conseil de recherche suédois, un organisme public rattaché au ministère de l’éducation, l’historien Rasmus Fleischer et ses 4 co-auteurs retracent l’histoire du géant local — devenu mondial — du streaming audio.

Ils s’intéressent notamment aux débuts du service de streaming et révèlent qu’entre 2007 et 2008, Spotify, encore en version bêta, proposait à ses utilisateurs de la musique dont il ne détenait pas les droits. Et pour cause : il s’agissait de fichiers MP3 pirates téléchargés illégalement, pour certains en provenance de The Pirate Bay.

Et c’est justement pour faire taire cette information jugée compromettante que Spotify s’en est pris au travail de Rasmus Fleicher, spécialisé dans l’étude de l’industrie musicale — et membre du Piratbyrån, une organisation suédoise indépendante qui milite pour les droits du peer to peer — en le menaçant de poursuites judiciaires.

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Des tests de recherche contraires aux conditions d’utilisation

Dans le cadre de leurs recherches, les 5 auteurs ont en effet indiqué clairement, dès 2013 — avec l’approbation du Conseil de recherche suédois — qu’ils se livreraient à des tests sur la plateforme Spotify. Notamment en créant des centaines de bots pour voir si les mêmes habitudes d’écoute débouchent sur des recommandations différentes selon le sexe de l’internaute ou en testant les possibilités de manipulation du service.

Si Spotify ne trouvait rien à redire à cette pratique jusque-là, le géant est passé à l’offensive cette année en  ordonnant le retrait. Juste après la publication d’une interview de Rasmus Fleischer pour DI.se, le 7 mai 2017, dans laquelle il évoquait les débuts « pirates » de l’entreprise. Une concordance de calendrier qui ne doit rien au hasard, comme l’affirme le chercheur sur son blog : « Le 19 mai, notre responsable de projet a reçu un courrier de Benjamin Helldén-Hegelund, l’un des avocats de Spotify. […] Il nous demandait de ‘confirmer par écrit’ que nous avions ‘cessé toute activité contraire à leurs conditions d’utilisation’ ».

De son côté, le Conseil suédois de recherche a reçu une lettre détaillant la requête de Spotify : « Ces données montrent que l’équipe […] a volontairement entrepris des activités qui violent clairement les conditions d’utilisation de Spotify. » Le géant dénonce aussi les tentatives de dissimulation de ces manœuvres, que Rasmus Fleischer reconnaît en admettant l’usage d’un VPN. Mais il n’en démord pas pour autant : « Leur argument restait absurde. Il n’empêche que la lettre ne peut être interprétée autrement que comme une tentative de Spotify visant à nous empêcher de poursuivre nos recherches ».

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Spotify capitule

Spotify a toutefois finalement préféré en rester là : Rasmus Fleischer affirme, sur son blog, que l’affaire est close. Ce qui ne l’empêche pas de déplorer : « Les menaces de Spotify ont fait perdre du temps et de l’énergie au projet. Cela semble être l’objectif des grandes entreprises qui s’en prennent aux chercheurs qu’elles jugent gênants.  Sans forcément empêcher la recherche, elles peuvent les ralentir. »

La réaction de Spotify paraît d’autant plus surprenante que ce recours à des fichiers pirates n’a rien d’inhabituel dans le monde du streaming, surtout au lancement de nouvelles plateformes, comme l’explique, sur Twitter, le journaliste des Jours Sophian Fanen.

Auteur du livre (à paraître) Boulevard du stream, il précise : « J’explique dans mon bouquin que Deezer [a aussi utilisé des MP3 pirates à ses débuts]. Ils ne s’en cachent pas, vu que les labels ne savaient pas livrer leur catalogue en numérique à l’époque du lancement de ces plateformes… »

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