Certains salariés d’Uber travaillent-ils en secret au sein d’un cabinet noir interne dédié à la collecte de données sur le savoir industriel de ses rivaux ? C’est ce qu’affirme l’avocat de Richard Jacobs, ancien spécialiste de la sécurité pour la firme, dans une lettre de 37 pages dont le juge William Alsup a pris connaissance il y a quelques jours.
Au vu de cette découverte potentiellement cruciale juste avant l’ouverture du procès opposant la firme à Waymo — la filiale de Google dédiée à la voiture autonome qui l’accuse de vol de technologie –, le juge a décidé de reporter de nouveau la confrontation entre les deux entreprises à une date encore inconnue, pour laisser le temps à Waymo de prendre connaissance de ces éléments.
William Alsup a également ordonné à Uber de faire comparaître Richard Jacobs, tout en fustigeant au passage le manque de collaboration de l’entreprise, qui s’était bien gardée de lui communiquer ce document il y a quelques mois, au moment où elle devait fournir tous les éléments pertinents pour les deux parties : « Je ne peux pas croire un mot de ce que vous dites car vous avez [bafoué votre parole] à de multiples reprises ». Pour ne rien arranger, l’entreprise traverse une énième crise de confiance avec le public après avoir révélé avoir été victime d’un piratage en 2016, qui a compromis les données personnelles de 57 millions de clients.
Serveurs annexes et stratégie d’obstruction
Richard Jacobs, qui a perdu son poste en avril 2017 mais travaille encore en tant que consultant pour Uber, affirme dans la lettre que l’entreprise compte une équipe dont le seul but est d’obtenir « des secrets industriels, des codes et des informations stratégiques » de la concurrence pour mieux les réutiliser au sein de l’entreprise. Il en aurait pris connaissance au fil de ses discussions avec certains collègues.
À l’en croire, les membres de ce groupe suivent même une formation dédiée afin d’être capables de « bloquer et d’entraver […] toute action en justice menée contre Uber » grâce à des techniques communication visant également à s’assurer que ce type de pratique ne soit pas connu du public. Un moyen pour Uber d’éviter que sa stratégie ne vienne ensuite le hanter ou se retourner contre l’entreprise.
Richard Jacobs reconnaît avoir eu des doutes sur ces pratiques, reposant notamment sur l’utilisation de messageries éphémères telles que Wickr ou l’utilisations de serveurs déconnectés du reste de l’entreprise dans un souci de discrétion : « Je ne pense pas que c’était clairement légal, je me suis posé des questions sur la déontologie [d’une telle équipe]. »
Uber souligne que ces révélations potentielles ne changent rien au fond du litige
Lors de son audition devant le juge William Alsup, Richard Jacobs a toutefois contesté la partie de la lettre de son avocat affirmant que des salariés d’Uber ont dérobé des secrets industriels à Waymo, ce que n’a pas manqué de souligner une porte-parole d’Uber : « Aucun élément de son témoignage ne change le fond de l’affaire, Jacobs a dit lui-même qu’il n’avait pas connaissance de secrets industriels dérobés à Waymo ».
Le juge a toutefois estimé que la lettre était suffisamment importante pour accepter la requête de report formulée par Waymo : « Même s’il s’avère que seule la moitié de la lettre est véridique, il serait profondément injuste de laisser Waymo débuter le procès [à la date initialement prévue] ».
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