Hornet, principal rival en Occident du pionnier Grindr, rassemble depuis 2011 plus de 20 millions d’hommes gay à travers le monde. En France, l’application de rencontres occuperait une place spéciale avec une base d’utilisateurs très dynamiques. Aujourd’hui, le chat se cherche toutefois une nouvelle direction. Depuis une nouvelle levée de fonds, l’entreprise veut « changer son image » explique Christophe Martet, General Manager pour la France.
« Pas que du sexe »
Dans le viseur du réseau, de nouveaux annonceurs, des utilisateurs plus diversifiés et l’envie d’occuper une place plus grande dans la vie des hommes gay. « Si le sexe est propre à la vie, nous voulons montrer que nous ne faisons pas que cela », résume M. Martet.
Depuis janvier 2017, à Paris, Hornet compte désormais quatre employés, dont M. Martet et Xavier Héraud. Les deux hommes viennent de la presse gay et ont fait leurs armes auprès de l‘ancien média Yagg. Pour sa part, Christophe Martet a également dirigé Têtu et a tenu la tête, en 1991, d’Act Up-Paris.
À ce titre, le chat de rencontres américain peut s’enorgueillir d’avoir réalisé de belles prises de guerre dans le milieu gay parisien. Désormais, les deux hommes dirigent depuis la capitale le virage de l’entreprise en France : « Nous avons déjà de nombreux utilisateurs, mais maintenant, nous voulons offrir d’autres services grâce à deux nouveaux univers : un agenda des sorties et un média », rappelle le directeur français.
À Sao Paulo, New York, Taipei et Paris, l’entreprise a en effet ouvert des petites rédactions qui organisent une vie éditoriale pour produire des contenus que l’on retrouve dans l’application. Au total, 15 rédacteurs se relayent autour du monde pour animer ce pendant médiatique de l’application de rencontres. Cette renaissance d’un média gay semble propre à l’époque : alors que la presse LGBT+ rencontre des difficultés, elle trouve là de nouveaux relais.
Toutefois, pour Adrien Naselli, rédacteur en chef d’un Têtu qui survit dans l’incertitude, il y a quand même un doute sur la stratégie : « Je pense que lorsque tu es une appli, qui reste quand même là pour le sexe, tu risques de manquer de crédibilité pour t’imposer comme une marque média ». Le jeune homme qui tente de sauver le magazine historique ajoute : « Les articles sont de qualité, Xavier Héraud fait du journalisme de qualité, mais je ne crois pas que ce type d’initiative puisse remplacer un média gay ». M. Martet argumente lui que Hornet ne sera jamais tout à fait une société de presse, mais que l’aventure des contenus reste prometteuse.
Un « média prescripteur » pour les annonceurs
Mais s’il s’agit bien de donner aux utilisateurs d’autres raisons de revenir sur l’application, M. Martet compte également se servir de cette plateforme pour renouer, par le web, avec une certaine idée de la communauté gay.
« Nous espérons créer des lieux de débats et des événements, divers, qui pourront montrer que nous ne sommes pas seulement là pour sponsoriser des événements pour garçons », si le média s’affiche dans les grandes soirées gay parisiennes, il tient également à approcher des rencontres moins populaires comme les rencontres autour du voguing, une danse culturellement liée aux gays afro-américains. Comme souvent dans la presse homosexuelle, les questions de santé sont également sur la table : M. Martet se félicite ainsi de rencontres dédiées à la question du VIH ou de l’épineux sujet des chemsex.
« À terme, nous espérons devenir prescripteurs et acteurs à Paris », explique-t-on chez Hornet. Cela passera par un engagement sur certaines valeurs et des événements comme un queer cinéma club.
Ce volontarisme aux accents militants ne réduit pas les ambitions économiques de l’entreprise qui espère prochainement passer d’application de rencontres à réseau social gay, en instaurant notamment un fil d’actualité proche des applications sociales les plus populaires. En outre, armée de ses utilisateurs jeunes et gay, l’entreprise compte séduire les annonceurs à la recherche de la cible homosexuelle. Et résoudre ainsi une des difficiles équations de nombreux médias gay, devant trouver une audience et des annonceurs tournés vers ce marché de niche.
Initié il y a un an à peine, ce virage devrait donner ses résultats dans plusieurs mois. Mais déjà en France, l’application s’impose comme une des rares nouveautés dans une communauté qui a perdu récemment de nombreuses références dans la presse. Il reste désormais à Hornet à faire comprendre qu’elle n’est plus qu’un cruising en ligne, mais aussi un hub communautaire quitte, à terme, à ne plus s’adresser qu’à des célibataires.
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