Ce n'est pas une nouveauté dans l'industrie musicale que les premiers bénéficiaires de la marchandisation de la musique soient les maisons de disques, qui empochent l'essentiel des revenus. Les producteurs trouvent dans leurs fortes marges brutes la compensation des risques financiers qu'ils prennent à signer et produire un groupe ou un artiste, à en faire la promotion et à assurer sa distribution, alors qu'une majeure partie des disques produits ne seraient pas rentables.
Mais le sort des artistes, qui n'était déjà pas très enviable (si ce n'est pour les rares têtes d'affiches) à l'ère du CD, semble s'être encore détérioré à l'ère du streaming. Au point qu'ils veulent désormais prendre les consommateurs à témoin. Ces mêmes consommateurs à qui l'on a fait la guerre pour abandonner le piratage au profit d'offres légales relativement chères pour eux (120 euros par an environ), mais très faiblement rémunératrices pour les interprètes.
Ainsi l'ADAMI, qui représente les artistes-interprètes musicaux (les chanteurs et les musiciens) a fait publier dans les pages du Monde une infographie très évocatrice. Elle montre que les artistes interprètes ne gagneraient que 0,46 € sur les 9,99 € d'abonnement mensuel à une plateforme de streaming comme Deezer ou Spotify. Dès 2009, l'ADAMI avait dénoncé la très faible rémunération des artistes-interprètes.
4,6 % du chiffre d'affaires TTC va aux artistes
Même les auteurs, qui écrivent les paroles et la mélodie des chansons, ne touchent que 10 % du prix TTC, grâce aux accords signés par la SACEM, qui prévoient la plupart du temps un minimum garanti. Au mieux, les auteurs-compositeurs-interprètes toucheraient donc 14,6 % du prix total versé par l'internaute, auquel il faut retrancher la TVA. Mais il s'agit là d'une moyenne, très peu représentative. Les "petits artistes" peu écoutés touchent largement moins, alors que les artistes les plus populaires captent l'essentiel de la rémunération.
"Il est inconcevable qu’au titre du streaming musical, le talent de l’artiste génère 22 fois plus qu’il ne lui rapporte", dénonce la société de gestion collective, qui avait pendant un temps défendu la licence globale (elle en était même le fer de lance), avant de se rétracter après des conflits internes.
Il faut rappeler que les artistes-interprètes, contrairement aux auteurs, touchent une rémunération salariale au moment de l'enregistrement, versée par le producteur. C'est donc pour le complément de revenu au titre des droits voisins, tout au long de l'exploitation des titres pendant bientôt 70 ans, que l'ADAMI se bat.
Vers une coalition internationale
Les relations entre les producteurs et les interprètes se sont toutefois tendues à l'ère des plateformes de streaming, du fait du modèle économique suivi par les premiers. Refusant d'ouvrir leur catalogue à qui le demande — comment l'aurait imposée la gestion collective soutenue puis écartée par Nicolas Sarkozy, les maisons de disques se font verser de très généreux minimums garantis par les plateformes de streaming, sous forme de facturations qui ne sont pas inclus dans les relevés d'exploitations des chansons. Ils n'entrent donc pas dans les formules de calcul des droits à verser. De même, les grandes maisons de disques sont souvent actionnaires des plateformes, ce qui leur permet d'espérer une rentabilité indirecte par les dividendes, ou la revente d'actions.
C'est ce mécanisme inéquitable qui avait poussé le leader de Radiohead à quitter Spotify et Deezer, et à lui préférer BitTorrent Bundle.
Selon l'ADAMI, une "coalition internationale" sera bientôt annoncée, pour affronter cette question. "Les solutions sont connues : partage équitable, perception directe de la part artistes auprès des plateformes de streaming via la gestion collective", rappelle l'organisation.
(Illustration : CC @Matt Gibson)
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