Ce jeudi, Criteo, la firme française de publicité ciblée, perdait à Wall Street près de 28 % de sa valeur à la mi-séance. L’entreprise, déjà affaiblie au début de l’automne, se voit de nouveau pénalisée par les marchés, mais encore plus lourdement qu’auparavant.
Wall Street a sanctionné son chiffre d’affaires prévisionnel : ce dernier serait écorné de 22 % l’an prochain. Un résultat, selon la firme, d’une baisse des revenus publicitaires sur mobile, principalement à cause de iOS 11 et la décision d’Apple de réguler les cookies.
22 % de pertes anticipées pour 2018
L’entreprise aurait en outre sous-estimé l’effet sur son chiffre d’affaires de ces nouvelles règles : elle espérait que ses revenus ne soient amputés que de 9 à 13 %. Elle relativisait alors auprès de ses investisseurs les effets de la décision d’Apple de supprimer automatiquement les cookies qui servent au pistage des publicités.
Toutefois, de nombreux acteurs du secteur avaient prévu une chute plus sévère qu’annoncée : en novembre, nous avions obtenu des premiers résultats qui enregistraient une baisse de la présence en ligne en display qualifié sur les terminaux mobiles de plus de 40 %. Criteo a dû, pour sa part, raviser son évaluation, provoquant sa chute boursière ce jeudi. L’entreprise a vu sa valeur tomber à son plus bas niveau depuis son introduction à Wall Street.
Pour rappel, Apple a décidé, sur iOS 11, de supprimer les cookies tiers au bout de 24 heures, empêchant des entreprises comme Criteo de récupérer les données de navigation des utilisateurs pour « mieux qualifier » les publicités montrées aux internautes.
Le Français se trouve particulièrement touché puisque son modèle de revenus est fondé sur les retours des internautes ayant été reciblés (retargeting) vers l’annonceur qui paye Criteo. Ce dernier ne payant que pour les internautes qui vont interagir avec la publicité et non toutes les publicités affichées, le modèle est mis en péril sans possibilité de ciblage.
Aujourd’hui, si l’entreprise continue de payer des éditeurs pour obtenir de l’espace publicitaire (en CPM, donc pages vues), elle n’a donc plus autant de garanties, sur iOS 11, de transformer cet investissement en gain : le visiteur n’étant plus aussi bien ciblé, il a moins de chance de cliquer sur la publicité pour revenir vers l’annonceur, voire d’avoir une publicité Criteo s’il n’a plus de cookie en mémoire. Criteo est donc perdant.
Une crise de modèle
Afin de rassurer les marchés, la firme explique qu’elle se concentre sur le développement de solutions durables adaptées aux terminaux Apple. Mais les marchés, qui avaient été cléments lors des précédentes annonces de Criteo, se montrent désormais sceptiques. L’entreprise a encore à faire des démonstrations techniques pour convaincre qu’elle va pouvoir s’adapter à la fois aux nouveaux environnements comme iOS 11, mais également, aux réglementations européennes du printemps.
En novembre déjà, auprès de Numerama, Renaud Menerat, président de la Mobile Marketing Association France avançait que cette nouvelle situation profitera à certains, concédant toutefois, « il y aura des gagnants, comme toujours mais ce ne seront pas les entreprises de la publicité telles qu’on les connaît », visant, sans les nommer, les entreprises qui, comme Criteo, sont hautement dépendantes du modèle actuel.
Enfin, de nombreux observateurs du secteur parlent de manque de préparation par rapport aux changements à venir : si la décision d’Apple fut rapide, les règlements européens, eux, sont disponibles depuis de longs mois, sans que les entreprises prennent de l’avance en matière de respect de la législation. À terme, le monde publicitaire pourrait voir de nouveaux géants émerger, justement parce qu’ils auront des solutions déjà prêtes et en phase avec les exigences d’un nouveau monde plus respectueux de la vie privée, quand des acteurs comme Criteo doivent « ajuster » leurs technologies… comme leur modèle économique.
Il reste donc à l’entreprise française un long chemin à faire pour regagner la confiance des marchés qui ne peuvent, à l’heure actuelle, être certains que la firme dispose des atouts technologiques pour affronter la période à venir.
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