Au moment où le Sénat s'interroge actuellement sur une révision de la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour en fragiliser les protections lorsqu'il s'agit de propos tenus sur Internet, le sénateur Louis Pinton (UMP) a envoyé cette semaine à Christiane Taubira une question sur le sort judiciaire à réserver aux retweets. Peut-on condamner la personne qui se contente de relayer le message d'un autre sans y apporter le moindre commentaire supplémentaire ?
"Si les tweets injurieux ou diffamatoires sont punis par la loi, une interrogation demeure en ce qui concerne le « retweet » de propos illicites. Si le message apparaît toujours comme étant signé de l'émetteur d'origine, l'intention du relayeur est le plus souvent de reprendre à son compte les propos retransmis par ses soins", fait remarquer le sénateur, qui lui-même ne semble pas avoir de compte Twitter. Mais "à l'inverse", reconnaît-il, "les utilisateurs relayant une information afin d'en dénoncer le contenu aboutissent généralement, à leur corps défendant, à en accroître l'écho médiatique", et il ne serait sans doute pas juste — et pas conforme aux principes de droit pénal — de les condamner pour l'effet plutôt que pour l'intention.
Le sénateur demande donc au ministère de la Justice "si l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui condamne la reproduction de certains propos, s'applique également aux nouveaux moyens de communication, et également quelle est la législation pénale relative à la rediffusion de messages illicite".
UNE RELAXE EN 2014 QUI NE FAIT PAS JURISPRUDENCE
En droit, la question ne semble pas d'une grande difficulté. L'article 29 de la loi de 1881 dispose qu'en matière diffamatoire, "la publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés".
Dans un cas concret étudié par la justice française, le tribunal de grande instance de Rouen a relaxé en février 2014 une utilisatrice de Twitter, Laure Leforestier, qui avait justement été poursuivie par la sénatrice UDI Catherine Morin-Desailly, visée par un message qu'elle estimait injurieux. L'internaute avait simplement retweeté le message écrit par un tiers, mais la plainte était motivée par la personnalité de l'auteure du retweet. Il s'agissait en effet d'un personnalité politique locale opposée à Mme Morin-Desailly, conseillère régionale de Haute-Normandie, qui fut avec la sénatrice conseillère municipale de Rouen.
Mais l'affaire qui aurait pu conduire à une jurisprudence a fait pshitt. Un vice de procédure avait permis d'obtenir l'annulation des poursuites, et le parquet avait décidé de ne pas faire appel, tout comme la sénatrice, qui ne demandait qu'un euro symbolique de dommages et intérêts.
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