Le fait que la filiale de Bull Amesys soit menacée par une procédure judiciaire ouverte pour "complicité d'actes de torture", et qu'elle soit l'une des cinq entreprises désignées comme "ennemie d'internet" par Reporters Sans Frontières (RSF) ne dissuade pas la France de faire affaires avec elle. Selon les révélations du Monde, les douanes lui ont acheté au moins un dispositif IMSI-catcher destiné à capter des données de téléphones mobiles.

C'était un secret de polichinelles et c'est bien l'un des principaux intérêts de la loi sur le renseignement, que de légaliser ces pratiques toujours illégales à ce jour. Le Monde révèle quelques extraits de factures qui démontrent que l'Etat français a déjà acheté plusieurs fois ces dernières années, par l'intermédiaire de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), des IMSI-Catchers qui permettent de créer de fausses antennes-relais pour collecter les identifiants des téléphones connectés, voire enregistrer leurs conversations.

La DNRED a ainsi acheté pour 40 000 euros un "IMSI-Catcher miniaturisé" à la société Amesys, qui fait partie des entreprises désignées comme "ennemies d'internet" par RSF, La filiale du groupe Bull fait l'objet d'une enquête préliminaire pour complicité d'actes de torture ouverte en 2012 par le parquet de Paris, deux ans avant la conclusion du contrat entre Amesys et la DNRED, en novembre 2014. Elle est accusée d'avoir fourni en toute connaissance des risques les moyens technologiques permettant au régime de Mouammar Khadafi d'espionner les dissidents libyens.

En 2012, les douanes avaient aussi déboursé près de 190 000 euros pour s'offrir une "transformation de l’IMSI-catcher en système autonome avec son amplificateur de puissance". Plusieurs autres acquisitions avaient été réalisées auparavant auprès du même fournisseur, Nethawk

"Alors que les services de l’Etat ne semblent pas avoir voulu cacher ces marchés publics – les documents les recensant sont librement accessibles sur Internet – la direction des douanes n’a pas été en mesure d’expliquer leur achat alors que la loi interdit, jusqu’à présent, leur utilisation", écrit Le Monde.

Lors des débats à l'Assemblée nationale, le gouvernement n'a eu de cesse de justifier le projet de loi sur le renseignement en disant qu'il s'agissait, d'abord, d'une demande des services de renseignement. On comprend bien pourquoi. Contrairement à ce qu'avait écrit Matignon dans son vrai/faux mensonger sur la loi, il ne s'agit pas tant d'offrir "des moyens supplémentaires aux services de renseignement" que de leur assurer l'immunité pénale pour l'utilisation de techniques intrusives qu'ils utilisaient déjà pour une grande part, en toute illégalité.

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