Reputation Squad est une agence internationale de communication qui agit auprès de tous les publics, quels que soient leurs lieux de conversation et qui s’est rendue experte dans son travail grâce à l’utilisation des nouvelles technologies (outils de veille, réalité virtuelle, optimisation des datas, etc.). Le pôle Chine de l’agence nous a proposé de partager ses connaissances avec nos lecteurs dans une série de portraits de dirigeantes et dirigeants chinois. Objectif : mieux connaître les entreprises et startups qui cartonnent en Asie et ne tarderont pas à se déployer dans le reste du monde.
Avant de connaître le succès, la vie de Jack Ma débute par une série d’échecs : il rate deux fois un contrôle important à l’école primaire, trois fois des examens au collège, et échoue à trois reprises aux concours d’admission à des instituts de l’enseignement supérieur. Sa candidature à la prestigieuse université américaine de Harvard a été rejetée dix fois, bien qu’il ait été diplômé en 1988 d’une licence d’anglais de l’école normale d’Hangzhou. Une chance dans son malheur, c’est là qu’il a rencontré sa femme, Zhang Ying.
Forrest Gump est une de ses plus grandes sources d’inspiration
Sa malchance le poursuit à l’issue de sa formation : sur les 34 candidatures qu’il a envoyées, aucune ne reçoit de réponse positive. Il postule même pour un emploi chez KFC, mais est le seul à ne pas être embauché sur les 24 candidats. « Ce n’est pas très positif d’être autant rejeté, j’étais complètement déprimé. Pourtant, j’ai compris plus tard que le monde avait beaucoup de choses à offrir. Tout dépend de notre vision du monde et de notre capacité à saisir les opportunités ». Face à tant de refus et d’échecs, il aurait pu tout abandonner, mais Jack Ma ne se laisse pas abattre.
La détermination constante du personnage de Forrest Gump est une de ses plus grandes sources d’inspiration : « Quand je le vois, je me dis qu‘il devrait être un vrai modèle. Crois en ce que tu fais, et fais-le avec passion — que cela plaise aux autres ou non ». Il ne baisse pas les bras et se tourne vers sa spécialité, l’anglais, qu’il enseigne pendant quelque temps avant de devenir traducteur.
Le pouvoir du houblon
C’est en 1995, lors d’un voyage professionnel pour ses activités de traduction, que Jack Ma découvre Internet. Sa première recherche ? « Bière ». Il constate avec surprise que parmi les résultats de la requête, aucun ne fait mention de bières chinoises. Il ne parvient même pas à trouver des informations sur la Chine de manière générale. Cette anecdote l’incite à créer son premier site web, un annuaire des entreprises et produits chinois similaire aux Pages Jaunes, appelé China Pages. Le site web est lancé dans la matinée, et à la mi-journée, Jack Ma avait reçu des dizaines de mails.
C’est à cet instant que Ma comprend le potentiel commercial d’Internet. Malheureusement, China Pages s’avère être un échec supplémentaire. Après un partenariat avec China Telecom, Jack Ma est obligé de céder contre son gré le contrôle de son entreprise. Il ressent le besoin de s’éloigner de la bureaucratie, mais ironiquement, accepte un travail de fonctionnaire au ministère du Commerce extérieur. Alors qu’il a l’intention de démocratiser l’utilisation d’Internet, il se rend rapidement compte que « travailler pour l’État ne lui permettra jamais d’atteindre cet objectif ».
Sa première recherche ? « Bière »
L’homme est persévérant et déborde d’idées. Il rassemble 17 amis dans son petit appartement et les convainc de lui faire confiance. Il imagine une plateforme qui faciliterait la vie des PME, sur laquelle les exportateurs pourraient publier des listes d’achat. Sa passion et son charisme l’emportent : Alibaba est créé.
Le crocodile du fleuve Yang-Tsé
« Les Américains sont très doués pour tout ce qui est matériel et systèmes informatiques. En revanche, les cerveaux chinois sont aussi bons que les leurs pour ce qui est de l’information et des logiciels. C’est pour cette raison que nous avons osé entrer en compétition avec eux. Si nous sommes une bonne équipe et que nous savons ce que nous voulons faire, un seul Chinois peut battre dix Américains. Nous aurons à payer un tribut douloureux au cours des trois ou cinq prochaines années, mais ce sera pour nous le seul moyen de réussir dans le futur. C’était la seule manière d’y arriver ».
Alibaba est une plateforme de mise en relation pour les petites entreprises. Aujourd’hui, « 10 millions de petites entreprises [lui] font confiance. [Elle] leur fournissons du trafic, de l’information, des données et [les aide] à proposer leurs services via une plateforme tierce. C’est donc les 10 millions de petites entreprises dans leur ensemble qui deviennent l’économie la plus puissante du monde ». Le parcours a toutefois été semé d’embûches.
L’entreprise s’est vu refuser des emprunts par de nombreuses banques avant d’obtenir finalement un financement de 5 millions de dollars de la part de Goldman Sachs et un autre de 20 millions de dollars de Softbank, peu avant les années 2000. C’est à cette période qu’Alibaba développe Taobao, une plateforme e-commerce concurrente d’eBay. La manœuvre est particulièrement risquée, car eBay est en situation de quasi-monopole et occupe environ 80 % des parts du marché des ventes aux enchères en ligne. Jack Ma est déterminé, et va jusqu’à « déclarer la guerre » à eBay en tenue de combat dans un coup de pub très remarqué.
Pour lui, la concurrence est ce qui stimule la croissance de son entreprise. Taobao se concentre sur le marché chinois, et cherche à se positionner en tant qu’interlocuteur de confiance. Le site ne prélève pas de commission, mais propose des services support à forte valeur ajoutée pour des frais réduits. Afin que les clients n’aient pas d’appréhension à effectuer des achats en ligne, il développe AliPay, une plateforme tierce de paiement sécurisé.
La compréhension du marché chinois de Jack Ma est un avantage considérable. Il affirme, dans un discours devenu célèbre, « eBay est peut-être un requin dans l’océan, mais je suis un crocodile dans le fleuve Yang-Tsé. Si nous nous battons dans l’océan, je perds — mais si nous nous affrontons dans le fleuve, je gagne. » En 2005, Yahoo investit 1 milliard de dollars dans Alibaba, ce qui marque un tournant dans sa bataille acharnée pour les parts de marché. Après seulement quelques années de concurrence intense, Alibaba sort eBay du marché chinois. Le crocodile du fleuve Yang-Tsé a gagné.
« eBay est peut-être un requin dans l’océan, mais je suis un crocodile dans le fleuve Yang-Tsé »
Le règne éclairé de « Crazy Jack »
« Je me souviens de ma première interview par Time Magazine, ils m’avaient surnommé Crazy Jack. Et je pense que c’est bien d’être fou. Nous sommes fous, mais nous ne sommes pas stupides. » Alibaba poursuit sa croissance inédite, jusqu’à l’entrée en Bourse à New York en septembre 2014. L’IPO est fracassante et établit un record avec une valorisation de l’entreprise à plus de 167 milliards de dollars. Par la suite, Jack Ma diversifie le groupe Alibaba par croissance interne et des acquisitions, lui faisant prendre pied dans diverses industries, comme le cinéma, la messagerie instantanée, la logistique, les taxis, le streaming vidéo, les réseaux sociaux, voire les magasins de prêt-à-porter.
Jack Ma semble prendre des risques inconsidérés, mais il poursuit en réalité une stratégie bien rodée. Ce qui a permis de garantir le succès d’Alibaba est probablement la vision éclairée de Crazy Jack sur la culture d’entreprise. Ma fait en sorte, selon ses propres mots, de « créer un environnement idéal dans lequel les employés adhèrent réellement aux valeurs de l’entreprise. Une atmosphère qui ferait dire : ‘C’est l’entreprise dans laquelle je veux rester. C’est un lieu transparent et ouvert, où je peux me développer’ ».
Pour favoriser l’engagement des salariés, il encourage la culture d’entreprise. Il laisse ses salariés tapisser les locaux de la société de serpentins lorsque celle-ci devient rentable. Il les encourage à faire le poirier pour rester dynamiques. Il organise même une fête extravagante pour célébrer l’entrée du groupe en bourse. À cette occasion, le siège d’Alibaba, surnommé « Taobao City », est décoré pour ressembler à la Bourse de New York, se dotant même de sa propre statue du taureau de Wall Street. Des milliers d’employés y font la fête toute la nuit en assistant à la montée du cours ; les festivités sont telles qu’un des salariés a demandé sa compagne en mariage au cours de la soirée.
Par la suite, Jack Ma organisera aussi des concours de talent, et à une occasion, s’offrira la folie de venir au travail déguisé en punk pour une performance inoubliable.
Les trois choses à retenir
Pour Crazy Jack, gérer une entreprise ne signifie pas simplement générer des profits. Il souhaite valoriser trois éléments clés : les bénéfices, les gens et l’environnement. Son mépris de la bureaucratie est tel qu’il s’efforce de simplifier les choses au maximum et de se concentrer sur le développement des salariés. Il embauche autant de femmes que possible, persuadé que la clé du succès réside dans la parité en entreprise. Il espère aussi que les bénéfices engrangés grâce à l’IPO transformeront ses employés en « un groupe de personnes réellement altruistes, bonnes et heureuses, capables d’aider autrui ».
Jack Ma est aujourd’hui une star en Chine, et on fait la queue pour assister à ses discours aussi drôles que personnels. Et l’homme utilise sa célébrité à bon escient, notamment pour la cause environnementale. Sa femme Zhang Ying l’a en effet poussé à s’intéresser davantage à la qualité de l’eau et de l’air après avoir perdu son père, décédé d’un cancer. Soupçonnant que la maladie était due à la pollution, Jack Ma et sa femme deviennent alors des défenseurs de politiques plus responsables, aspirant à un avenir durable pour leurs enfants. Le couple s’est, par ailleurs, exprimé publiquement contre la vente d’ailerons de requins les retirant de la vente sur les plateformes Alibaba.
Jack Ma est aujourd’hui une star en Chine
Jack Ma fait également partie du conseil d’administrateurs de l’organisation Nature Conservancy et a acheté une réserve naturelle de 11 000 hectares. Pour un homme de pouvoir, ses loisirs peuvent paraître très simples : il aime lire, méditer et pratiquer le tai-chi ou le kung-fu. Une grande partie de sa philosophie de vie est tirée de cet art martial, qui lui a enseigné comment être calme et équilibré, tout en lui permettant d’estimer qu’il y a toujours une solution, même dans les situations les plus difficiles. Malgré une série incroyable d’échecs, Jack Ma a fait grandir Alibaba jusqu’à ce que l’entreprise devienne une véritable puissance internationale.
Après le chemin parcouru, il reste persuadé que la clé du succès de son entreprise réside dans le fait de « toujours croire en ses rêves, parce qu’ils peuvent un jour devenir réalité ». « Ce qui est le plus plaisant, en tout cas pour moi, c’est de savoir qu’on contribue au monde de demain. Être dans les affaires ne se résume pas à faire du chiffre — il faut faire du « chiffre durable », qui permette aux gens de vraiment profiter de leurs vies. Je pense que la priorité est d’éveiller les consciences et faire comprendre que les enjeux environnementaux doivent être traités. Il faut savoir rester positif : l’avenir est toujours radieux ».
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