Où Patrick Drahi s'arrêtera-t-il dans la politique de l'acquisition par endettement ? Il semble que rien, si ce n'est les banques qu'il connaît parfaitement bien, ne puisse freiner l'homme d'affaires dans sa quête de devenir très rapidement le magnat incontournable des télécoms, dans un marché en pleine consolidation. Comme l'a révélé ce week-end Le Journal du Dimanche, le groupe Numericable-SFR — qui est toujours lui-même en train de panser les plaies d'une fusion vécue douloureusement par les salariés (surtout ceux de SFR), a formulé une offre difficile à refuser, de plus de 10 milliards d'euros pour racheter Bouygues Telecom.
Selon le JDD, SFR proposerait de racheter Bouygues Telecom en cash, en empruntant l'argent à la banque BNP Paribas, et en valorisant l'entreprise environ un quart plus chère que sa valeur estimée par les marchés. A ce prix, il sera difficile pour Martin Bouygues de refuser, et le groupe a d'ailleurs convoqué un conseil d'administration extraordinaire pour étudier l'offre dès mardi.
Si l'opération est acceptée par Bouygues Telecom (après les échecs de rachat par Orange et par Free), SFR hériterait des 11 millions de clients de Bouygues Télécom dans la téléphonie mobile, ce qui ferait de l'opérateur rouge le premier en France, devant Orange. Il serait aussi le deuxième opérateur fixe.
FREE EN PROFITERA
L'opération serait bien perçue par ses concurrents Orange et Iliad (Free), qui ont tout intérêt à un marché plus concentré, donc moins propice à l'agression tarifaire permanente. Free aurait d'ailleurs déjà proposé de racheter des fréquences, des antennes-relais et des boutiques pour huiler les rouages auprès de l'Autorité de la concurrence (défavorable à la concentration) et surtout de l'Autorité de régulation des télécoms (ARCEP), qui veillera à ce que la concentration autour de trois opérateurs ne se fasse pas de façon trop déséquilibrée dans la distribution des fréquences.
Seul l'Etat est hostile à l'opération, au moins à court terme. Le ministre de l'économie Emmanuel Macron s'était dit défavorable à un retour à trois opérateurs, craignant qu'il n'entraîne un sous-investissement par perte de concurrence, des licenciements chez les opérateurs, et sans doute aussi un manque de dynamisme dans le mécanisme des enchères des fréquences 700 Mhz qui doit rapporter plus de 2,5 milliards d'euros. S'il y a un candidat en moins, et un autre déjà très fortement endetté par la fusion, les enchères pourraient se faire à un prix plus faible que souhaité.
L'an dernier, Numericable avait déjà annoncé son intérêt pour Bouygues Télécom, mais les propos n'avaient pas été pris au sérieux à l'époque. C'était un tort.
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