Il n’y aura donc pas eu de surprise. Mercredi 21 mars, la Commission européenne a rendu public son projet de taxation des géants du net, qui s’appliquera lorsque ceux-ci atteignent une certaine surface financière. Comme prévu, la presse ayant éventé les grandes lignes de ce plan, Bruxelles propose de taxer ces sociétés à hauteur de 3 % des revenus dégagés par leurs activités dans le numérique.
La nouvelle a été immédiatement saluée par le ministre de l’économie et des finances français, son gouvernement ayant fait de l’optimisation fiscale menée par les géants du net l’une de ses priorités. « La France s’est mobilisée depuis plusieurs mois pour une juste taxation des géants du numérique. Ravi de voir l’Europe franchir aujourd’hui un pas décisif », a déclaré Bruno Le Maire.
Une mesure provisoire…
Concrètement, la proposition européenne est une mesure provisoire, en attendant qu’une « réforme globale ait été mise en œuvre et prévoie des mécanismes intégrés pour réduire la possibilité de double imposition », expliquent les services bruxellois. Des seuils sont prévus pour ne pas affecter les startups et les petites et moyennes entreprises et la taxe ne visera que certaines activités.
Des exemples sont donnés : recettes générées par la vente d’espaces publicitaires en ligne, revenus obtenus par les activités intermédiaires numériques qui permettent aux usagers d’interagir avec d’autres membres et qui facilitent la vente de biens et de services entre eux (les Airbnb, Uber et autres Booking) et les gains provenant de la vente de données générées grâce aux informations fournies par les internautes.
…qui vise les mastodontes…
Il s’agit de cibler les montants « générés par des activités où les utilisateurs jouent un rôle majeur dans la création de valeur » mais « qui sont les plus difficiles à prendre en compte par les règles fiscales actuelles », explique la Commission. Seules les firmes dont le chiffre d’affaires brut annuel dépasse 750 millions d’euros dans le monde et 50 millions d’euros dans l’Union seront affectées.
La taxe « garantit que les activités qui ne sont pas effectivement taxées commenceraient à générer immédiatement des recettes pour les États membres », écrit Bruxelles. Elle a aussi l’avantage « d’éviter que des mesures unilatérales soient prises […], ce qui pourrait entraîner une multiplicité de réponses nationales, préjudiciables pour [le] marché unique », observe la Commission.
« Les recettes fiscales seraient perçues par les États membres dans lesquels se trouvent les utilisateurs et la taxe ne s’appliquera qu’aux entreprises », explique l’exécutif du Vieux Continent.
…mais qui nécessite l’unanimité
Reste toutefois l’obstacle de l’unanimité : aujourd’hui, le scénario le plus probable est de fixer une taxe à hauteur de 3 %, ce qui dégagerait jusqu’à 5 milliards d’euros de recettes fiscales par an à l’échelle de l’Union européenne. Mais encore faut-il que tous les pays y adhèrent : or pour l’instant, ce n’est pas encore la concorde : il n’y a que 19 pays, dont la France, dans la boucle, selon Bruno Le Maire.
Paris, qui plaidait pour une taxe de 5 ou 6 % selon Le Monde, attend certainement un pas des derniers pays récalcitrants, maintenant qu’un taux plus modeste a été retenu. En tout, la mesure devrait concerner entre 120 et 150 entreprises, la moitié étant américaines ; le reste sera principalement des groupes européens et asiatiques. Il reste désormais une inconnue : comment va réagir l’administration Trump ?
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