Reputation Squad est une agence internationale de communication qui agit auprès de tous les publics, quels que soient leurs lieux de conversation et qui s’est rendue experte dans son travail grâce à l’utilisation des nouvelles technologies (outils de veille, réalité virtuelle, optimisation des datas, etc.). Le pôle Chine de l’agence nous a proposé de partager ses connaissances avec nos lecteurs dans une série de portraits de dirigeantes et dirigeants chinois. Objectif : mieux connaître les entreprises et startups qui cartonnent en Asie et ne tarderont pas à se déployer dans le reste du monde.
Né dans la Province du Shanxi, Yanhong Li, ou Robin Li, fils d’ouvrier, est élevé sous le régime autoritaire de la révolution culturelle de Mao dans une famille de la classe moyenne, en milieu rural. Son enfance modeste le pousse, lui et ses quatre sœurs, à se concentrer sur leurs études dès leur plus jeune âge. Après avoir obtenu une Licence à la prestigieuse Université de Pékin, il part à la conquête de nouveaux horizons et s’inscrit à l’Université de Buffalo (État de New York, États-Unis), où il poursuit des études en informatique, avec l’objectif d’obtenir un doctorat.
Les prémices du moteur de recherche
Le jeune informaticien a hâte de rejoindre le monde de l’entreprise. Une fois diplômé de son Master en informatique, il décide de renoncer à l’idée de poursuivre des études doctorales et rejoint Dow Jones & Company. Li y est chargé de développer un logiciel pour le Wall Street Journal. Il y aborde à la fois le journalisme et le secteur de la tech et voit tout de suite la prochaine opportunité à saisir : le classement et la catégorisation de l’information sur le web.
Cela le pousse à développer un algorithme d’analyse de liens en 1996. Celui-ci permet de classer la popularité d’un site web en fonction du nombre de liens qui le partagent. Il s’agit des prémices du moteur de recherche. Mais la vie en entreprise s’avère plus éprouvante et frustrante que prévu. Li est forcé de se concentrer uniquement sur une tâche à la fois, sa force de proposition n’est pas jugée utile par sa hiérarchie et ses idées novatrices sont tuées dans l’œuf. Mais l’homme croit en son algorithme et prend l’initiative de le présenter lui-même à une conférence tech, où il est repéré par le CTO d’InfoSeek.
Malheureusement, ce nouveau partenariat ne durera pas, InfoSeek n’étant pas encore prêt à investir dans les nouvelles technologies. Le jeune geek est frustré, estimant que les grandes entreprises prennent du retard en se concentrant uniquement sur le contenu au lieu d’investir dans les nouvelles technologies.
Le dirigeant du département dédié au moteur de recherche d’InfoSeek ne prédit lui-même rien de bon à son algorithme et essaye de le dissuader d’emprunter cette voie. Li ne se décourage pas, et continue d’améliorer sa technologie sur son temps libre. En 1998, il rencontre Eric Xu, un concitoyen chinois, étudiant en échange universitaire en Californie. Il deviendra son partenaire et associé lorsqu’il lance Baidu.
Baidu était une plateforme B2B, qui vendait des moteurs de recherche à d’autres portails
Né dans une chambre d’hôtel
En 1999, Robin Li et Eric Xu lèvent plus de 10 millions de dollars auprès d’investisseurs en capital risque aux États-Unis. Ils reviennent à Pékin pour créer Baidu dans une chambre d’hôtel près de l’alma mater de Li, l’Université de Pékin. Initialement, Baidu était une plateforme B2B, qui vendait des moteurs de recherche à d’autres portails. Le positionnement évolue en 2001, lorsque les deux associés développent le site web Baidu.com, sur un design très similaire à celui de Google.
Mais Robin Li va plus loin : non seulement le site web permet aux internautes d’effectuer une recherche en ligne, mais il propose également aux entreprises de promouvoir leurs produits et services sur la page des résultats — quelque chose que Google n’avait pas encore développé à l’époque. Par exemple, si la requête d’un client comprenait des termes liés aux services automobiles, Baidu ne montrait pas uniquement les sites mentionnant ces termes, mais aussi les publicités des entreprises répondant aux besoins de ce secteur.
Cette idée révolutionnaire a permis à Baidu.com d’être très rapidement rentable, puisque les publicitaires payaient une commission à chaque fois qu’un client cliquait sur leur page. Cette manœuvre a transformé la jeune startup en un géant de la tech en seulement quelques années.
Entrée fracassante au NASDAQ
Après plusieurs années passées à développer le code et à travailler en coulisses, Robin Li devient PDG de l’entreprise qu’il a créée en 2004 pour lever davantage de fonds et préparer l’IPO de Baidu sur le NASDAQ. Le travail acharné du fondateur et son planning soigneusement réfléchi porteront leurs fruits un an plus tard : l’entreprise fait une entrée en bourse fracassante le 8 août 2005.
À la clôture du jour de l’introduction en bourse, Baidu.com Inc est estimée à plus de 4 milliards de dollars grâce à un cours de l’action à 122,54 dollars à la clôture du Nasdaq, ce qui représente alors une hausse de 354 % par rapport à son prix de départ, 27 dollars. Dotée d’une population de 1,37 milliard d’habitants, dont 50 % d’utilisateurs actifs d’Internet, la Chine est un marché colossal pour les entreprises tech. La Chine est également le deuxième plus grand marché pour la publicité sur la toile, dont les revenus atteignent 40 milliards de dollars fin 2016.
Peu d’entreprises internationales ont su pénétrer le marché et y rester pour de bon
Pourtant, peu d’entreprises internationales ont su pénétrer le marché et y rester pour de bon. eBay et Amazon ont tous les deux essayé de s’installer en Chine, mais n’ont pas réussi à rentabiliser leurs filiales. Google, connu maintenant sous le nom d’Alphabet, a dû déménager ses serveurs à Hong Kong pour éviter la censure chinoise. Bien que les internautes chinois soient capables d’utiliser la plateforme de Google, elle demeure très lente et plusieurs sites y étant référencés sont totalement inaccessibles dans l’Empire du milieu.
Baidu 1 – Google 0
Quel est donc le secret de Baidu ? Comment a-t-il pu surpasser Google et Yahoo ? Depuis les débuts du moteur de recherche, Robin Li s’est toujours efforcé de rester dans les bonnes grâces de Pékin. Son outil respecte les lois chinoises sur Internet, ainsi que toutes les demandes du gouvernement. Baidu a restreint l’accès aux sujets jugés polémiques par le gouvernement et bloque les requêtes qui pourraient mener à des sites interdits.
Ainsi, Robin Li n’est pas seulement devenu un leader de la tech, mais un consultant fidèle de la sphère politique. Grâce à l’adoubement du site par le gouvernement chinois et la parfaite adéquation de celui-ci avec son public, le moteur de recherche a atteint une situation de quasi-monopole sur le marché national avec plus de 80 % de parts de marché. Robin Li a compris immédiatement comment utiliser la grande muraille électronique chinoise à son avantage.
« Si vous devez systématiquement attendre la validation de la Silicon Valley, vous n’irez jamais assez vite »
En effet, le gouvernement chinois était réticent à ouvrir son marché à des entreprises étrangères, ce qui a permis à un écosystème local d’innovations de naître et à des entreprises semblables à des startups américaines de prospérer. L’usage de Wikipédia était par exemple très populaire jusqu’à la censure du site en 2005. Li en a donc créé une version copiée, respectant la censure et les souhaits du gouvernement, et conçue pour le public chinois : Baidu Baike, le Wikipédia chinois, est lancé en 2006.
Tandis que de nombreuses personnes imputent son succès uniquement au protectionnisme chinois, Robin Li martèle que sa réussite est due à son excellente compréhension des marchés chinois et de ses consommateurs, et accuse la lenteur de la Silicon Valley. Et lorsque des entreprises américaines font enfin leur entrée sur le marché chinois, il déclare : « Vous êtes toujours en retard. Si vous devez systématiquement attendre la validation de la Silicon Valley, vous n’irez jamais assez vite ».
« Nous ferons tout pour atteindre cet objectif »
Récemment, Baidu s’est attaqué au secteur des voitures autonomes. L’entrepreneur vise une mise en service de ses véhicules autonomes pour 2018 et souhaite commencer leur production en masse avant 2021. Il a toujours préféré recruter des personnes venant de tous secteurs d’activité et de toutes entreprises, tant qu’elles étaient talentueuses. Le magicien de la tech et conseiller du parti communiste soutient les réformes qui feront de la Chine le nouvel Eldorado des talents de la tech.
Pour que ce rêve devienne réalité, il débauche Andrew Ng de Google pour diriger son département d’intelligence artificielle. Il constitue une équipe multiculturelle de chercheurs et d’ingénieurs dédiée aux projets de voitures autonomes en partenariat avec Nvidia. Il se rapproche aussi de Qi Lu, expert en intelligence artificielle chez Microsoft, et lui confie la gestion opérationnelle de Baidu, lui-même souhaitant occuper un poste plus stratégique après 17 ans passés à la tête du moteur de recherche chinois.
Robin Li a aussi acheté 10 entreprises depuis septembre 2004, toutes spécialisées dans le secteur de la technologie pour soutenir la croissance de l’écosystème Baidu. Parmi ces entreprises, on trouve entre autres un annuaire en ligne appelé Hao12 et RavenTech, une startup spécialisée dans le big data et l’intelligence artificielle. Ces acquisitions soigneusement sélectionnées combinées aux compétences business et l’équipe de choc de Robin Li ont rapporté plusieurs milliards à l’entreprise.
Grâce à sa vision et son travail intense, Robin Li est le 6e homme le plus riche de Chine avec une fortune estimée à près de 14 milliards de dollars — comprenant son patrimoine personnel, mais surtout ses fonds d’investissement pour développer ses entreprises et concrétiser son ambition. L’audace et la vivacité d’esprit ont transformé le cadre tech en un entrepreneur visionnaire. Il ne rechigne pas à prendre des risques et à investir dans les technologies de demain comme les voitures autonomes et l’intelligence artificielle. « Nous ferons tout pour atteindre nos objectifs, a-t-il déclaré. Les bénéfices passent après. Nous ne sommes de toute façon pas à la recherche du profit pour ce genre de choses ».
Pour Robin Li, la technologie est un moyen de rendre la société meilleure. Il voit Baidu comme un vecteur d’une société futuriste où l’intelligence artificielle et les voitures autonomes serviront le bien commun, car aujourd’hui, Robin Li est aussi un modèle chinois de philanthropie. Dans un pays contribuant peu aux œuvres de bienfaisance (4 % de ce que les Américains ou les Européens donnent chaque année), sa décision de rejoindre le conseil d’administration de la fondation Ai You, le « Facebook de la philanthropie chinoise », prouve son engagement pour changer les mentalités et encourager les dons et la solidarité en Chine.
L’aventure de Robin Li va sûrement occuper une place centrale en Chine et dans le reste du monde.
Robin Li s’est également associé à Baobeihuija, une association caritative créée pour aider les familles à retrouver leurs enfants disparus. Comment ? Grâce à un logiciel de reconnaissance faciale fiable et dont la précision ne va qu’en grandissant. L’entrepreneur visionnaire croit fermement en son rêve d’une technologie plus ancrée dans la société. Et on pourrait lui faire confiance : il a été capable de transformer une startup créée dans une chambre d’hôtel en un poids lourd de la tech mondiale en seulement quelques années. Alors que les progrès technologiques ne s’arrêtent plus, l’aventure de Robin Li va sûrement occuper une place centrale en Chine et dans le reste du monde.
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