Dans l’ombre de Mark Zuckerberg, l’avenir de Facebook passe par les décisions de Sheryl Sandberg. En plein scandale Cambridge Analytica, la numéro 2 du réseau social fête le 24 mars 2018 ses 10 ans au sein de l’entreprise. Portrait.

Le 24 mars 2008, Sheryl Sandberg rejoignait Facebook en tant que directrice des opérations. Depuis très exactement dix ans, elle occupe le rôle d’administratrice de l’entreprise, dirigeant à la fois les ventes, le marketing, le développement des affaires, les ressources humaines, la politique publique, la confidentialité et les communications du réseau social. À ce titre, son seul supérieur dans l’entreprise est donc Mark Zuckerberg.

« Sheryl est une excellente gestionnaire qui aidera les opérations de Facebook à gravir à l’échelle mondiale. […] Sheryl comprend que l’objectif de Facebook est de connecter toutes les personnes dans le monde, et elle est passionnée par l’idée de bâtir une entreprise qui nous permettra d’atteindre cette mission », avait alors déclaré le fondateur du réseau social.

Comment est-elle devenue l’une des personnalités phares de la Silicon Valley ?

En dix années, cette femme d’affaires au eu de nombreuses occasion de montrer à quel point elle incarne l’image de son entreprise. Comment Sheryl Sandberg est-elle devenue l’une des personnalités les plus reconnues de la Silicon Valley ? Comment s’est-elle fait un nom dans les plus hautes sphères de Google, puis Facebook ?

L’anniversaire de son embauche est une occasion toute trouvée de retracer son parcours.

Sheryl Sandberg est née le 28 août 1969 à Washington D.C., dans une famille d’origine juive. Son père est ophtalmologiste ; sa mère, professeure de français dans un collège. Sheryl a un frère, David, et une sœur, Michelle, tous deux plus jeunes qu’elle. Alors qu’elle est âgée de deux ans, toute la famille déménage pour habiter à North Miami Beach, en Floride.

À l’école, Sheryl est une élève studieuse, qui se hisse rapidement parmi les premiers de sa classe. Sa mère, Adele, s’était remémoré l’enfance de sa fille dans une interview accordée au New Yorker : « Dans les écoles publique, être intelligente pour une fille n’est pas bon pour sa vie sociale », faisait-elle observer.

Une rencontre décisive

C’est en 1987 que Sheryl Sandberg entre à Harvard. Elle y obtient en 1991 un Bachelor of Arts, avec une spécialisation en économie. Sa rencontre avec Lawrence Summers est un premier temps fort de sa carrière : l’économiste accepte d’encadrer la rédaction du mémoire de l’étudiante, dans lequel Sheryl Sandberg défend l’idée que les inégalités économiques contribuent au phénomène des violences conjugales.

Elle fonde également un groupe baptisé « Women in Economies and Government » : bien qu’elle ne se revendique pas féministe, Sheryl Sandberg espérait ainsi « amener davantage de femmes à se spécialiser dans la gouvernance et l’économie ».

Lors de son introduction au sein du Phi Beta Kappa, un prestigieux club d’étudiants américain, Sheryl Sandberg constate que les hommes et les femmes suivent deux cérémonies distinctes. Elle garde un souvenir mémorable du discours prononcé par l’une des participantes ce jour-là, « Feeling Like a Fraud » : « je me suis sentie comme ça toute ma vie », s’est-elle souvenue plus tard.

Lawrence Summers lui propose alors de devenir son assistante de recherche au sein de la Banque mondiale. Elle y entre en 1991, et travaille notamment sur la thématique de la santé en Inde, où elle entreprend des projets pour lutter contre la lèpre, la cécité et le sida. Après deux années à assister Lawence Summers, Sheryl Sandberg fréquente la Harvard Business School pour décrocher un second diplôme, avant de s’envoler pour la Californie où elle passe plusieurs mois dans le cabinet de conseil McKinsey & Company.

Entre 1996 et 2001, Sheryl Sandberg occupe le poste de cheffe de service dans le département du Trésor des Etats-Unis. Après la défaite des démocrates aux élections de 2000, elle décide de tenter l’aventure de la Silicon Valley.

À plusieurs reprises, Google lui a en effet fait comprendre qu’elle serait la bienvenue dans l’entreprise. La puissante firme de Mountain View d’aujourd’hui n’est alors âgée que de trois ans, et ne génère pas encore de revenus réguliers. Pour l’anecdote, Eric Schmidt lui téléphonait alors toutes les semaines pour la convaincre d’accepter sa proposition.

Google lui téléphonait toutes les semaines pour la recruter

Il faut croire que cette méthode de recrutement a porté ses fruits : à la fin de l’année 2001, Sheryl Sandberg pousse la porte de Google, pour y tenir le rôle de vice-présidente chargée des ventes et opérations internationales en ligne. À cette époque, quatre employés de l’entreprise travaillaient sur AdWorks, la régie publicitaire de Google : Sheryl Sandberg se porte volontaire pour superviser les ventes et les diverses opérations de ce projet. Peu après, AdWorks devient rentable.

Sheryl Sandberg poursuit sur cette lancée et s’implique sur AdSense, une autre régie publicitaire de Google, qui place cette fois-ci ses annonces sur des sites externes. En 2002, les talents de négociatrice de la vice-présidente sont convoqués lorsque AOL veut faire de Google son moteur de recherche : elle supervise cet arrangement, et réussi à faire valoir auprès d’AOL que Google prend un grand risque — la société devait payer 50 millions de dollars par an, alors qu’elle n’avait que 10 millions à sa disposition.

Du pouvoir, et de la réserve

En 2005, le magazine Fortune convie Sheryl Sandberg à participer à son Most Powerful Women Summit, lors duquel le média rassemble chaque année une centaine de personnalités féminines. Lorsque la rédactrice en chef Pattie Sellers lui a fait cette proposition, Sheryl Sandberg a confessé avoir prononcé un « haha ! », quelque peu gêné.

Elle se rend à l’événement, mais refuse d’être inscrite au programme. Plus tard, Pattie Sellers lui reprochera d’avoir fait preuve de timidité : « En quoi est-ce un problème d’avoir du pouvoir ? », lui avait fait remarquer la journaliste.

La carrière de Sheryl Sandberg ne l’a pas empêché d’avoir une vie de famille, bien qu’elle se soit aperçu qu’il est souvent plus difficile pour les femmes de mener les deux de front. Chez Google, la vice-présidente constate que les employées abandonnent parfois leurs ambitions professionnelles après la naissance de leurs enfants.

Sheryl Sandberg cherche à embaucher aussi bien des femmes que des hommes parmi les cadres de l’entreprise, mais doit se rendre à l’évidence. « Les hommes prenaient de l’avance. Ils claquaient la porte pour de nouveaux postes, des promotions, vers une autre chose à faire, vers de nouvelles étendues. Et les femmes — pas toutes, la plupart — devaient plutôt être persuadées, ‘tu ne veux pas faire ça ?’ », racontait plus tard Sheryl Sandberg.

« Les hommes prenaient de l’avance »

À la fin de l’année 2007, c’est à l’occasion d’une soirée de Noël que Sheryl Sandberg fait la connaissance de Mark Zuckerberg. Le fondateur de Facebook ne s’est pas officiellement lancé dans la recherche d’un ou d’une future directrice des communications. Néanmoins, il savait qu’il aurait bientôt besoin d’aide pour diriger son réseau social, en plein développement. Mark Zuckerberg savait également que Sheryl Sandberg était à cette soirée ; même s’il n’imagine pas qu’elle puisse quitter son poste pour débarquer chez Facebook, il profite néanmoins de l’occasion pour discuter avec elle.

Or, Sheryl Sandberg est justement à la recherche d’un nouveau challenge à relever. À plusieurs reprises dans les semaines qui suivent, elle rencontre Mark Zuckerberg, allant jusqu’à le convier dans sa propre maison — l’époux de Sheryl Sandberg s’amuse alors de la situation, et fait observer que « c’était comme s’ils sortaient ensemble ».

Mieux payée que son patron

Après l’annonce officielle de sa prise de fonction, Sheryl Sandberg se met au travail afin de rendre Facebook rentable. Avant son arrivée, l’entreprise s’était surtout attachée à faire un site « cool », supposant que les profits suivraient. La nouvelle COO de l’entreprise commence alors à superviser les ventes, le marketing, les ressources humaines et la communication du groupe, devenu rentable en 2009.

Grâce à elle, Facebook connaît une expansion considérable. Passant de 500 à 2 500 salariés, l’entreprise voit également croître le nombre d’utilisateurs de son réseau social en trois ans, de 70 millions à 700 millions. En 2012, lorsque Facebook entre en bourse, Sheryl Sandberg — qui était déjà mieux payée que son propre patron — passe du statut de millionnaire à celui de milliardaire.

Inspirée par sa propre expérience, Sheryl Sandberg publie en 2013 son ouvrage Lean In: Women, Work and the Will to Lead, traduit en français sous le nom de En avant toutes. Après une première version du texte rejetée par son agent littéraire (il la convainc d’écrire une version plus personnelle de l’ouvrage), Sheryl Sandberg publie le livre final dans lequel elle n’hésite pas à raconter les inégalités saisissantes qu’elle a pu vivre en raison de son identité de femme.

Évoquant le syndrome de l’imposteur et le manque d’ambition des femmes — elle est parfois critiquée sur ce point –, elle aborde la difficulté pour les femmes de devoir gérer frontalement un poste à responsabilité et l’éducation de leurs enfants.

En 2010, Sheryl Sandberg avait d’ailleurs abordé le sujet lors d’une conférence TEDWomen, lors de laquelle elle donnait trois conseils aux femmes qui visent des postes à responsabilité. Le premier ? Les femmes doivent « s’asseoir à la table » des négociations — y compris pour négocier leur propres salaires. Elle conseille aussi aux femmes de s’entourer, dans leur vie affective, d’un partenaire avec lequel elles puissent partager équitablement les tâches domestiques.

Les femmes doivent « s’asseoir à la table »

Enfin, « ne partez pas avant de partir » : par ces mots, elle souligne que lorsque les femmes n’ont pas obtenu la carrière qu’elles désirent avant d’avoir des enfants, il leur arrive souvent de ne plus poursuivre cet objectif après leur congé maternité.

Chez Facebook, une des affiches pose cette interrogation : « Que feriez-vous si vous n’aviez pas peur ? ». Sheryl Sandberg a donné sa propre explication de ces mots, qui semblent résonner comme un écho à son expérience : « Ne laissez pas vos peurs submerger votre désir. Laissez les barrières auxquelles vous faites face — et il y en aura — être externes, et non internes. La chance sourit aux audacieux. Je vous jure que vous ne saurez jamais de quoi vous êtes capable, si vous n’essayez pas ».

Récemment, Sandberg est devenue le pilier sur lequel Mark Zuckerberg s’appuie pour sortir Facebook de la crise Cambridge Analytica.

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