Mise à jour : une source proche du dossier nous précise que les huissiers avaient en réalité fait un constat sur place chez les abonnés pour vérifier le déploiement des fonctionnalités qui étaient l'objet du litige, sans procéder à l'emport du matériel.
L'an dernier, Orange avait porté plainte contre Free, accusé de contrefaire son brevet EP2044797 B1 portant sur le "basculement de sessions multimédias d'un terminal mobile vers un équipement d'un réseau local". L'opérateur reprochait à la société de Xavier Niel d'avoir mis à jour sa Freebox Révolution pour supporter son application Freebox Compagnon, alors que celle-ci permet offrirait des fonctionnalités identiques à celles brevetées.
En particulier il était reproché à Freebox Compagnon de permettre à l'utilisateur "de consulter à distance, sur son terminal mobile, un contenu audiovisuel (photos, vidéo, musique) stocké sur son Freebox Server", "de lancer le contenu audiovisuel sur un équipement audiovisuel (téléviseur) relié au Freebox Player, depuis son terminal mobile connecté en WiFi au Freebox Server" et enfin, de permettre de lire "un contenu stocké sur un Freebox Server distinct de celui auquel le terminal mobile est connecté en WiFi".
Dans son jugement rendu le 18 juin 2015 qui vient d'être publié, le tribunal de grande instance de Paris a donné raison à Free qui, dans un schéma classique de défense en matière de contrefaçon de brevet, contestait la validité du brevet elle-même. Le TGI a constaté que la prétendue invention d'Orange déposée en 2007, soit n'était pas brevetable dans certaines de ses prétentions en raison de l'interdiction de breveter des logiciels en Europe, soit n'avait pas le caractère de nouveauté exigé par la loi pour accorder l'exclusivité temporaire à celui qui se prétend inventeur.
Et le jugement du TGI de Paris sur ce litige Orange vs Free – https://t.co/ike2jwVTUc https://t.co/xbXIt32hzP
— Benoit Tabaka (@btabaka) 31 Août 2015
Mais le plus intéressant est peut-être ce qu'on apprend dans le jugement. Fort de l'avis d'un expert qui concluait qu'Orange avait raison de voir des similitudes entre son brevet et le fonctionnement de Freebox Compagnon et de la Freebox Révolution, Orange avait fait procéder à des saisies-contrefaçons chez des abonnés Free, du 11 au 21 mars 2014 ! La saisie-contrefaçon est une procédure prévue par le code de la propriété intellectuelle qui, lorsqu'elle est autorisée par une ordonnance judiciaire, permet de faire procéder par huissier à "la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant".
Juridiquement, les Freebox appartiennent à Free, qui en reste le seul propriétaire et les loue à ses abonnés. Orange aurait pu se contenter de faire saisir des Freebox dans les bureaux de la maison-mère Iliad, mais l'opérateur a préféré obtenir le droit de violer le domicile d'abonnés qui n'étaient absolument pour rien dans le litige entre les deux concurrents, et de faire saisir "leur" Freebox. Le tout en les privant au passage pour une durée indéterminée de l'accès à internet, lequel est, rappelons-le, considéré comme une liberté fondamentale par le Conseil constitutionnel — un détail, sans doute, pour le juge qui a signé l'ordonnance.
On ne sait pas combien de Freebox ont ainsi été saisies en mars 2014 en vertu de cette procédure. Mais selon le TGI, "les saisies-contrefaçons n'ont pas dépassé le nombre nécessaire à prouver des faits de contrefaçon (…) et n'ont pas causé de préjudice à la société Free". Aussi, même s'il a invalidé le brevet et condamné Orange à indemniser Free, le tribunal n'a pas sanctionné Orange pour avoir usé de cette faculté.
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