Aux États-Unis, les gens abîment et volent les trottinettes électriques en libre-service, a rapporté le Washington Post le 19 avril dernier. Les compagnies américaines Bird Rides, LimeBike, Spin et Waybots font face à des problèmes de vols et de vandalisme que l’on retrouve aussi du côté européen. Alors, le public est-il prêt pour la technologie qui lui est mise à disposition et qui pourrait considérablement changer le transport urbain ?
Des bâtons dans les roues du libre-service
Le média anglophone évoque notamment les difficultés rencontrées par les collectivités américaines pour appréhender ces nouveaux services. Par exemple, la ville d’Austin (Texas) aurait saisi plus de 50 trottinettes électriques en libre-service. Quant à San Francisco (Californie), 66 trottinettes ont été saisies et la ville a dû envoyer une ordonnance de cessation et d’abstention (cease and desist order), où il est fait mention d’une « nuisance publique mettant en danger la santé et sécurité publiques. »
Côté Europe, en février dernier, la société hongkongaise Gobee.bike arrêtait son service de vélos en libre-service en France pour vol et vandalisme. Des vélos ont été retrouvés au fond de la Seine ou sévèrement endommagés. Ce sont au total près de 3 400 vélos qui ont été vandalisés et plus de 1 000 volés.
Sur son site, Gobee.bike note que « le très grand nombre de vols et de dégradations [les] ont forcé à fermer [leurs] portes en Europe ». La compagnie n’avait pas non plus réussi à s’imposer à Bruxelles, en Belgique. Le même constat est dressé chez les compagnies opérant outre-Atlantique. D’où vient ce problème qui semble inéluctablement frapper ces compagnies ?
Quelles leçons en tirer ?
La conclusion la plus évidente est celle des usages malveillants et des divers actes de vandalisme commis. Si les vélos se retrouvent au milieu du trottoir, et autres endroits incongrus gênant le passage, cela s’expliquerait par la négligence et le manque de savoir-vivre de ceux qui les empruntent.
Partant de là, les solutions envisagées par les villes d’Austin et de San Francisco reposent davantage sur l’idée de pénaliser les compagnies plutôt que sensibiliser la population. Certaines sociétés sont-elles simplement plus enclines que d’autres à adopter un nouveau mode de mobilité urbaine ?
Ces startups du libre-service, comme le rappelle le Washington Post, ne demandent pas spécialement la permission aux communes pour s’établir. En résultent une désorganisation et un manque d’encadrement conduisant à de telles situations.
Cependant, lorsque la ville elle-même lance ses vélos libre-service, elle fait face aux mêmes difficultés. C’est ce qui a d’ailleurs mené la ville de Baltimore à stopper son système de vélo en libre-service.
Les compagnies asiatiques auraient donc dû mal à s’implanter en Europe. Comment justifier la disparité existant entre le marché européen et asiatique ? À ce propos, Niccolò Panozzo de la Fédération cycliste européenne déclare : « Il y a bien sûr une composante culturelle ». Est-ce cela signifierait que, d’un pays à l’autre, nous sommes culturellement éduqués à ne pas respecter les biens de consommation mis à notre disposition ?
« La réalité française est celle du service le plus déshumanisé possible » — JEAN-LOUIS ROCCA
Le sinologue Jean-Louis Rocca, chercheur au Centre de recherches internationales (CERI), avance une autre explication aux difficultés du libre-service en France. Interrogé par Numerama, il note qu’ « une différence fondamentale est l’organisation de tels services. En Chine, il y a une horde de gens qui sont payés pour surveiller les parcs à vélo, vous trouverez toute la journée des gens qui viennent les ranger, les trier, les fermer. Il m’est arrivé 3-4 fois de prendre un vélo non fermé et de le poser quelque part, pensant le retrouver ensuite, mais quelqu’un de l’entreprise l’avait déjà récupéré. Ce n’est pas du tout la même organisation. La réalité française est celle du service le plus déshumanisé possible. »
Il tempère aussi le problème des incivilités, insistant sur le fait qu’elles ne sont pas l’apanage des occidentaux : elles se manifestent autrement dans la société chinoise. « En Chine, malgré ce que l’on pourrait penser, vous n’avez pas ce milieu social marginalisé qui va volontairement dégrader les choses. Les incivilités de type provoc’, utilisées pour véhiculer un mal-être ou jouer avec la norme comme en France ne sont pas présentes en Chine où l’incivilité, notamment à l’égard du patrimoine, résulte d’un je-m’en-foutiste total des conséquences, que je trouve d’ailleurs beaucoup plus préoccupant. »
Les moyens humains seraient finalement le cœur du problème. En attendant que l’organisation s’améliore, d’autres services tiennent bon, comme Coup, dont le directeur Maureen Houel déclarait : « Nous rencontrons le même taux de vandalisme à Paris qu’à Berlin, où nous sommes également présents, et il est très faible. »
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