Reputation Squad est une agence internationale de communication qui agit auprès de tous les publics, quels que soient leurs lieux de conversation et qui s’est rendue experte dans son travail grâce à l’utilisation des nouvelles technologies (outils de veille, réalité virtuelle, optimisation des datas, etc.). Le pôle Chine de l’agence nous a proposé de partager ses connaissances avec nos lecteurs dans une série de portraits de dirigeantes et dirigeants chinois. Objectif : mieux connaître les entreprises et startups qui cartonnent en Àsie et ne tarderont pas à se déployer dans le reste du monde.
Thomas Edison et Albert Einstein sont ses héros
À Ding Lei, William Ding pour les Occidentaux, est né en 1971 à Ningbo, port de la province côtière du Zhejiang. Enfant, Thomas Edison et Albert Einstein sont ses héros. Il bricole lui-même ses jouets et, passionné par l’électronique, il ambitionne de devenir ingénieur mécanique. C’est ainsi qu’après le lycée, il s’engage dans des études d’informatique à l’université des Sciences et des technologies électroniques de Chengdu, capitale de la Province du Sichuan.
À l’époque, ses parents désapprouvent son choix craignant qu’étudier l’informatique ne nuise à sa santé. Quand bien même, il poursuit son objectif, avec la conviction intime que cette voie lui apportera de brillantes perspectives. Son diplôme en poche, il revient dans sa ville natale pour travailler dans la filiale locale de China Telecom, l’opérateur historique de télécommunication chinois. Néanmoins, attiré par le secteur privé et l’opportunité de travailler pour une entreprise étrangère, il démissionne pour partir à Canton, où il décroche un contrat chez Sybase, un éditeur américain de logiciels.
À 26 ans, le pionnier des « menhu »
À la fin des années 90, les Chinois sont fascinés par l’ascension des jeunes entrepreneurs américains de l’Internet comme le co-fondateur d’origine taiwanaise du portail Yahoo, Jerry Yang, devenu milliardaire à 30 ans. À l’époque, les portails développés par les startups américaines offrent un modèle économique permettant, via des annuaires et un moteur de recherche, d’accéder à l’univers des contenus en ligne. William Ding explore sous toutes les coutures le potentiel des « menhu », les portails, pour en imaginer l’équivalent chinois. À 26 ans, il quitte Sybase pour créer, à Canton sa propre société : Wangyi, le nom chinois de NetEase.
Et c’est ainsi que naît « 163.com », le premier système d’e-mailing bilingue gratuit en Chine, qui a popularisé l’utilisation d’Internet. Au début, William Ding tire ses profits de la vente de son logiciel d’e-mailing sous licence à des entreprises. En 1998, il décide néanmoins de basculer sur un modèle 100 % web et lance le site 163.com, l’URL officielle de Wangi.
En 2000, la Chine bannit la production et la commercialisation des consoles de jeu vidéo
Contrairement à ce que certains prétendent, 163.com n’a aucun lien avec la numérologie chinoise mais fait référence à l’histoire de l’Internet chinois. Avant l’apparition de la bande passante, les utilisateurs devaient composer le « 163 » pour accéder au réseau. Fin 1999, le site est extrêmement populaire en Chine du Sud et il compte déjà 1,4 million d’utilisateurs. William Ding n’est pas le seul à créer son « menhu » et des dizaines de portails ont vu le jour en Chine. Néanmoins, un triumvirat se distingue dans le milieu : Wang Zhidong, le fondateur de Sina, Charles Zhang, fondateur de Sohu et William Ding.
Le jeu vidéo, un eldorado
William Ding n’a jamais eu pour ambition de devenir l’homme le plus riche de Chine, mais selon lui, « les personnes intelligentes ne laissent pas passer les opportunités ». En 2000, la Chine bannit la production et la commercialisation des consoles de jeu vidéo sur son territoire pour des raisons de censure et de santé publique. Il faudra attendre 2014 pour que l’interdiction de commercialisation de consoles étrangères qui empêchait Sony, Microsoft et Nintendo de pénétrer le marché chinois soit levée.
Cette interdiction crée en même temps une brèche géante pour le développement des jeux en ligne et NetEase y flaire une manne gigantesque. William Ding va ainsi permettre aux Chinois d’assouvir en ligne leur passion pour le jeu vidéo. Même si les jeux sont pour la majorité gratuits, cela représente un revenu financier énorme, puisqu’il n’arrive que très rarement qu’il n’y ait pas besoin d’acheter des ressources pour évoluer dans les jeux. Ce nouvel opium électronique du peuple chinois permet à William Ding d’introduire sa société au Nasdaq dès 2000.
Malgré quelques notoires déboires boursiers, NetEase permet à son jeune fondateur de devenir l’homme le plus riche de Chine en 2003. Depuis, la Chine est devenue le 1er marché mondial du jeu en ligne avec 534 millions de joueurs générant plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2016 avec plus de 87,5 % de croissance en 2015. NetEase, pour qui le jeu compte pour plus des deux tiers des revenus, se partage le marché avec Tencent et Shanda. Les trois sociétés sont ainsi devenues en dix ans des mastodontes comparables à Activision, EA et Ubisoft.
Plus que l’introduction d’un nouveau loisir, c’est un véritable phénomène de société que William Ding initie. Pour les jeunes Chinois de l’époque, jouer en ligne équivaut à regarder la télévision en Occident. Les joueurs se réunissent dans les wangba, les cybercafés qui deviennent les lieux de socialisation virtuelle de toute une génération. C’est aussi une contre-culture : une échappatoire à la TV chinoise contrôlée par le gouvernement, et une porte pour découvrir d’autres codes culturels.
Les wangba sont aussi le terrain de nouveaux conflits générationnels et sont accusés de tous les maux : école buissonnière, addiction, obésité, perte du dialogue familial… Face à ce phénomène potentiellement incontrôlable, l’État chinois décide d’agir en censurant certains jeux, en régulant le marché, en fermant des wangba. William Ding n’a d’autre choix que de se mettre au pas et composer avec le vrai maître du jeu de ceux que certains appellent « l’Intranet chinois ».
Thé ou café ?
À quoi jouent les Chinois ? Les jeux de stratégie en temps réel, les jeux en ligne massivement multijoueurs (MMORPG) et les arènes de bataille en ligne multijoueur (MOBA) occupent le devant de la scène chez les plus de 530 millions de joueurs chinois, ce qui dépasse largement la population entière de l’Union européenne. Mais le marché du jeu est complexe en Chine parce qu’il représente à la fois un enjeu économique et politique. La distribution de jeux en ligne doit en effet passer par le filtre de la censure.
William Ding l’a bien compris. Dès le début, il s’est plié à cette contingence en se positionnant comme le distributeur officiel des jeux étrangers les plus célèbres notamment européens et américains. En tant qu’intermédiaire, il a négocié l’acceptabilité auprès des autorités en adaptant parfois certains contenus.
NetEase a ainsi permis à des millions de Chinois de jouer au célèbre World of Warcraft développé par Blizzard. Néanmoins, selon William Ding, « pour les Chinois, les jeux chinois sont comme le thé et les jeux importés comme le café. La plupart des Chinois préfèrent le thé… ». Le protectionnisme économique déguisé par la censure a permis de favoriser l’émergence de jeux Made in China sur le marché et de siniser la culture du gaming. De nombreux jeux étrangers sont même adaptés aux codes de l’imaginaire chinois. NetEase est ainsi devenu le 1er développeur de jeux en ligne chinois. Le jeu phare de NetEase est sans aucun doute « Fantasy Westward Journey », inspiré du célèbre roman chinois du XVIe siècle La Pérégrination vers l’Ouest qui regroupe une communauté de 100 millions de joueurs.
Les joueurs en ligne d’hier sont devenus les consommateurs et les parents d’aujourd’hui
Le futur ? Des jeux mobiles à l’élevage de porcs connecté
Les joueurs en ligne d’hier sont devenus les consommateurs et les parents d’aujourd’hui. William Ding l’a compris et a fait évoluer son business model en conséquence. NetEase a ainsi développé sa plateforme e-commerce, Kaola.com et se positionne sur le marché de l’éducation en ligne en nouant des partenariats avec des universités internationales prestigieuses.
Les Chinois ne sont pas près d’arrêter de jouer et NetEase compte bien satisfaire leur passion. Simplement, ce sont aujourd’hui les jeux mobiles, dont le potentiel dépasse celui des jeux PC, qui focalisent l’attention du groupe. Visionnaire, William Ding s’intéresse aussi de près à l’agriculture biologique. Il ambitionne de convaincre les fermiers chinois, ayant quitté leur terre pour venir travailler comme ouvriers dans les villes de revenir à la campagne pour y produire de la nourriture de qualité.
Selon lui, ce serait une manière de redistribuer les flux de capitaux des villes vers les campagnes. Il vient de lever 10 millions de dollars pour lancer un élevage de 500 000 porcs. Première viande consommée en Chine, elle sera issue d’un élevage entièrement bio et hautement technologique. Et comme si la Chine n’était pas assez grande pour lui, William Ding a ouvert ses premiers bureaux à San Francisco en 2014 pour investir dans le développement de jeux et a pris des parts en 2015 dans un studio finlandais. L’objectif ? Faire jouer les Occidentaux à des jeux chinois.
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