Avec ses petites cigarettes électroniques à la mode, la marque JUUL a envahi les États-Unis en moins de deux ans. Mais son positionnement marketing à ses débuts, agressif à l’égard d’un jeune public, lui ont valu une salve de critiques et des avertissements de la part des régulateurs. San Francisco a décidé d’agir.

La mesure, radicale, a fait beaucoup de bruit le 25 juin 2019 : le conseil municipal de San Francisco a décidé à l’unanimité d’entériner l’interdiction de la vente de cigarettes électroniques (en magasin et en livraison) dans sa ville. Ce choix arrive à la suite de nombreuses controverses qui ont émergé depuis le lancement de JUUL, leader américain incontesté de l’e-cigarette (plus de 75 % des parts de marché), deux ans plus tôt.

En décembre dernier, pour le lancement de JUUL en France, nous étions revenus dans cet article sur l’histoire de cette cigarette électronique, et ce succès accompagné de controverses.

Article original du 5 décembre 2018 :

De loin, on pourrait croire qu’ils sucent des clé USB avec intensité. Mais ces jeunes Américains sont en fait en train d’aspirer l’embout de leur cigarette électronique JUUL, un appareil devenu en quelques mois autant un phénomène de mode qu’un enjeu de santé publique.

JUUL est une entreprise américaine lancée par PAX Labs qui commercialise des e-cigarettes rectangulaires depuis 2017 aux États-Unis. Elles sont rechargées avec des dosettes appelées « pods » aux goûts spécifiques, et fonctionnent sur une préparation à base de sels de nicotine. Outre-Atlantique, elles se vendent 35 dollars pièce, à compléter avec un lot de 4 recharges à 15 dollars.

La marque est devenue populaire si rapidement que le verbe « juuling » est quasiment plus populaire que la notion de vapotage. Il faut dire que les chiffres parlent d’eux-mêmes : en septembre 2018, JUUL occupait 72 % des parts du marché des cigarettes électroniques aux États-Unis, contre seulement 29 % fin 2017, selon une étude Nielsen reprise par Sud Ouest. Il y a quelques mois, l’entreprise était valorisée à plus de 15 milliards de dollars.

Interdit aux moins de 18 ans

Officiellement, il est illégal pour un mineur d’acheter une JUUL. Pourtant, l’utilisation de cette cigarette électronique devenue hype s’est répandue massivement dans les lycées américains. En mai 2018, le New Yorker consacrait une longue enquête au phénomène JUUL chez les jeunes, montrant comment l’objet était devenu à la fois un marqueur de cool, adopté par bon nombre de non-fumeurs, et de différenciation. Au point où des sites d’e-commerce sont aujourd’hui entièrement dédiés à la vente d’autocollants personnalisés pour décorer son e-cigarette.

Mais si JUUL, comme toutes les autres cigarettes électroniques, ne contient pas de tabac, elle comporte bien des doses de nicotine. Or cette substance est addictive. Aux États-Unis, la loi autorise une concentration jusqu’à 5 % de nicotine — bien plus qu’en Europe.

Trois personnes, dont la mère d’un adolescent de 15 ans, ont ainsi porté plainte en Californie et dans l’État de New York contre JUUL Labs en juillet 2018, pour avoir créé un objet accusé de provoquer une grande addiction à la nicotine chez ses propriétaires, a rapporté Wired. L’adolescent en question, surnommé D.P., serait devenu « extrêmement accro à la nicotine », d’après le procès-verbal, ainsi qu’« anxieux, irritable et sujet aux crises de colère ». Les autres, plus âgés, se plaignaient également de consommer plus de capsules JUUL qu’ils ne fumaient de cigarettes auparavant.

Faites-le pour JUUL

JUUL l’assure : son produit a été créé pour aider les fumeurs à s’émanciper de la cigarette. Mais certaines campagnes marketing, au lancement de la marque, ont laissé penser qu’ils ciblaient un jeune public, notamment sur les réseaux sociaux comme Twitter et Instagram, même s’ils ne l’ont jamais assumé haut et fort. D’autres comptes ont surfé sur le succès de JUUL pour encourager les adolescents à s’engrener les uns les autres, comme le célèbre compte @doit4juul (Faîtes-Le Pour JUUL) — depuis désactivé — qui encourageait les internautes à partager des photos et vidéos d’eux en train de juuler.

Des images associées au mot-clé #Doit4juul // Source : Instagram

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Source : Instagram

Le régulateur américain contre « l’épidémie » de vapotage

Fin septembre 2018, l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments (FDA) a effectué une perquisition dans les locaux à San Francisco de JUUL, dans le cadre d’une enquête sur ses pratiques commerciales. La FDA a également enjoint JUUL ainsi que d’autres entreprises d’e-cigarettes de s’engager contre « l’épidémie » de vapotage, sous peine de voir leurs produits retirés du marché.

Depuis ces polémiques et cet examen approfondi de la part du régulateur, JUUL a très largement revu sa copie. La marque insiste régulièrement sur l’âge de ses clients : « Nous sommes catégoriques, aucun mineur et aucun non-fumeur ne devrait utiliser JUUL », a ainsi assuré un porte-parole à Business Insider en octobre 2018. Le site de la marque empêche d’ailleurs quiconque d’acheter une JUUL sans envoyer une pièce d’identité pour prouver son âge.

Kevin Burns, CEO de JUUL, a également annoncé dans un communiqué mi-novembre que les recharges aux goûts spéciaux comme mangue, crème brûlée ou concombre —  particulièrement appréciées des jeunes — seraient temporairement retirées de la vente. L’entreprise a également annoncé qu’elle allait supprimer certains comptes officiels Twitter, Facebook et Instagram.

Et JUUL a l’Europe dans son viseur : la marque a lancé ses e-cigarettes au Royaume-Uni en juillet 2018 et ne devrait pas tarder à arriver en France. Mais outre-Manche, la firme a dû abaisser la concentration de nicotine contenue dans un pod pour se conformer aux lois britanniques : les dosettes sont à 1,7 % de nicotine, contre 3 % ou 5 % aux États-Unis.

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