L’espace est difficile, a-t-on coutume de dire, y compris en termes d’emploi. C’est ce que montre la récente décision de SpaceX, annoncée par mail à l’ensemble de ses salariés et relayée par le Los Angeles Times le 11 janvier. L’entreprise américaine prévoit de se séparer de 10 % de son personnel. Cela représente 600 personnes sur les 6 000 employés qu’elle aligne.
La décision a de quoi surprendre, car la firme paraît au contraire sur une trajectoire très favorable : elle multiplie les lancements de satellites depuis quelques années au profit d’opérateurs publics et privés et s’occupe, dans le cadre d’un contrat-clé avec la NASA, d’acheminer, avec d’autres, du ravitaillement et du matériel scientifique jusqu’à la Station spatiale internationale.
Selon des chiffres fournis par SpaceX datant du début 2018, SpaceX a conclu plus de 100 missions via des contrats qui pèsent ensemble plus de 12 milliards de dollars. À cela, il faut ajouter celui passé avec la NASA en 2008 pour faire la navette entre la Terre et l’ISS, d’un montant de 1,6 milliard de dollars et qui a été prolongé, et celui de 2,6 milliards qui porte cette fois sur le transport d’un équipage.
[floating-quote float= »right »]SpaceX doit devenir une entreprise plus légère.[/quote]
Mais la société fondée par Elon Musk et présidée par Gwynne Shotwell se trouve trop grosse. « Pour continuer à répondre aux besoins de nos clients et pour réussir à développer des engins spatiaux interplanétaires et un Internet global basé sur l’espace [le programme Starlink, ndlr], SpaceX doit devenir une entreprise plus légère », écrit le groupe à l’attention de son personnel.
« L’un ou l’autre de ces développements, même s’ils ont été tentés séparément, a ruiné d’autres organisations. Cela signifie que nous devons nous séparer de certains membres talentueux et travailleurs de notre équipe », ajoute SpaceX. Il n’est toutefois pas précisé si ce licenciement collectif sera réparti entre les différents départements du groupe ou si certaines divisions seront plus touchées que d’autres.
D’aucuns pourraient dire que SpaceX n’a qu’à abandonner le projet Starlink pour se concentrer sur son cœur de métier, ce qui lui permettrait de faire de substantielles économies. Il s’avère toutefois que les analystes voient en Starlink une potentielle machine à cash, contrairement à celui des mises en orbite, qui sont réalisées à bas coût pour tailler des croupières chez la concurrence.
À l’équation, il faut aussi ajouter les dépenses importantes auxquelles doit consentir SpaceX pour mener à bien ses différents projets : récupération des fusées utilisées pour les lancements, développement d’un nouveau lanceur, mise au point d’une capsule capable d’accueillir un équipage, voyage touristique autour de la Lune, accès à Mars dans un délai relativement court.
Selon le mail de SpaceX, les salariés qui seront mis à la porte recevront huit semaines de salaire au minimum et d’autres avantages sociaux. SpaceX promet aussi de les aider à retrouver un emploi. SpaceX affirme que « c’était une décision très difficile mais nécessaire », cela même si, indique CNBC, SpaceX est rentable, selon sa présidente, et que les années à venir sont radieuses.
ArianeGroup aussi réduit ses effectifs
Il est à noter que la décision de SpaceX n’est pas isolée dans le secteur spatial. Un autre poids lourd, ArianeGroup, est lui aussi en train de faire des coupes claires dans ses effectifs. En novembre 2018, l’entreprise française a annoncé qu’elle va supprimer 2 300 postes d’ici 2022, soit un quart de son personnel. L’effondrement du marché commercial est l’une des explications de cette décision.
L’existence de SpaceX est aussi un facteur qui pèse sur ArianeGroup, qui évoque « une forte concurrence déséquilibrée, menée par des entreprises américaines fortement soutenues par un volume de commandes institutionnelles important ». En clair, pointe Le Figaro, si toutes les nations spatiales confient leurs missions à leur lanceur national qu’elles financent, l’Europe ne le fait pas.
Cette « absence de préférence européenne actée pour les lancements institutionnels, associée à un volume très faible de commandes », a fini par produire les effets redoutés, regrette ainsi ArianeGroup. Certes, la nouvelle fusée Ariane 6 commence à poindre à l’horizon. Mais si l’Europe veut rester leader du « nouvel âge spatial », sans doute va-t-il lui falloir défendre davantage ses intérêts.
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