L’industrie de l’automobile peut-elle basculer plus rapidement vers la fabrication de véhicules moins polluants ? Quelques leviers peuvent être actionnés pour accélérer la mise sur le marché de voitures émettant moins de CO2 : cela va des aides fiscales pour les particuliers aux dispositifs plus contraignants comme la vignette Crit’Air, en passant par la hausse du prix du carburant classique.
Mais il existe aussi des actions à faire au niveau de l’industrie elle-même, qui sont dès lors moins centrées sur le client. L’une d’elles consiste à libérer en avance des brevets pour que d’autres entreprises puissent aussi en profiter, et cela sans avoir à payer la moindre redevance à celui ou celle qui en a la possession. C’est typiquement ce que propose Toyota, l’un des leaders dans le segment des voitures hybrides.
Toyota ouvre son portefeuille de brevets
Le 3 avril dernier, le constructeur japonais a annoncé la prochaine mise à disposition d’un vaste portefeuille de brevets pour lesquels aucun paiement ne sera réclamé. Un concurrent de Toyota pourra donc exploiter gratuitement les méthodes et les technologies décrites dans ces titres de propriété industrielle sans craindre quoi que ce soit. Ce sont pas moins de 23 740 brevets qui sont concernés.
Ces titres de propriété industrielle couvrent pas moins de vingt ans de recherche dans le domaine de l’électrification des véhicules, explique Toyota. En outre, certains brevets sont très récents, puisqu’ils sont en cours d’examen auprès des autorités compétentes. « La période d’octroi commencera immédiatement et durera jusqu’à la fin de 2030 », est-il ajouté.
Assistance technique payante
À cette libération s’ajoute l’annonce de la mise en place d’une assistance technique ad hoc, payant cette fois, pour les autres constructeurs automobiles qui utilisent le savoir-faire de Toyota pour s’engager plus en avant dans le marché de l’électrique, que ce soit au niveau de la motorisation, de la batterie, de l’unité de commande de puissance ou de l’unité de commande électronique, etc.
Commentant son ouverture au reste de l’industrie, Toyota déclare « qu’il s’agit de technologies fondamentales qui peuvent être appliquées à la conception de divers types de véhicules électrifiés, y compris les automobiles hybrides électriques, les véhicules électriques hybrides rechargeables (PHEV) et les véhicules électriques à pile à combustible (FCEV) ».
Bataille sur le type de motorisation
Il est à noter que ce plan n’est pas le premier du genre, que ce soit de la part de Toyota ou même dans l’industrie automobile. L’industriel nippon a commencé dès 2015 à partager ses brevets. Quant à la concurrence, on peut citer le cas de Tesla, qui dès 2014 a renoncé à l’exclusivité de ses droits sur son portefeuille de brevets. D’autres ont suivi cette trajectoire, à l’image de Ford.
L’opération annoncée par Toyota n’est sans doute pas tout à fait étrangère à ses positions affirmées contre le tout-électrique dans l’automobile.
Plusieurs signes montrent en effet l’hostilité du constructeur aux voitures complètement électriques : sa publicité en faveur de l’hybride, ses déclarations affirmant que l’hybride est meilleure que le tout-électrique ou sa prédiction qu’il n’y a pas vraiment de croissance à espérer dans ce segment — en tout cas pour Toyota et une bonne partie de l’industrie dite traditionnelle.
Dans cette bataille sur les futurs moyens de propulsion des voitures, Toyota a donc intérêt à ce que les véhicules hybrides deviennent majoritaires.
Aussi, pour mettre toutes les chances de son côté, il vaut donc mieux mettre à disposition sa technologie, au lieu de la conserver jalousement, au risque de voir la concurrence basculer sur le tout électrique, ce qui pourrait l’obliger ensuite à s’y mettre aussi pour suivre la tendance du marché. Car dans le domaine de l’hybride, Toyota a une avance non négligeable qu’il serait dommageable de perdre.
En outre, cette ouverture présente un autre atout : elle peut placer un certain nombre d’autres acteurs dans une relative dépendance au savoir-faire de Toyota. En effet, même si l’accès aux brevets est libre, l’industriel prévoit toutefois un support payant pour aider ses partenaires tiers à bien intégrer ses technologies. Pour espérer garder et accroître son contrôle, Toyota doit donc lâcher un peu de lest.
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