« Avoir des super concurrents rend tout le monde meilleur. » C’est la phrase préférée de Reed Hastings, le CEO de Netflix. Il l’a encore prononcée, ce 16 avril 2019 au cours de son appel aux actionnaires après l’annonce des résultats du premier trimestre 2019, où Netflix a présenté une augmentation record de 9,6 millions d’abonnés payants supplémentaires en trois mois. La plateforme en compte aujourd’hui 148 millions dans le monde.
« On est ravis qu’Apple et Disney soient de la partie : rien que jouer dans la même cour qu’eux est très stimulant pour nous », a-t-il continué avec l’apparente modestie (sincère ou feinte) qui le caractérise.
Depuis plusieurs mois, les observateurs et médias n’ont pourtant qu’une question à la bouche : Disney+ et Apple TV+ ont-ils les moyens de « détrôner » Netflix ? Ces services de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) vont tous les deux débarquer à l’automne 2019, l’un avec de nombreux contenus originaux et des anciens succès (Marvel, Pixar, Disney) pour 6,99 dollars par mois, l’autre avec quasi-uniquement des séries exclusives et des grands noms du cinéma pour un montant encore non divulgué.
« Il y a un immense marché »
À chaque fois qu’on lui parle de concurrence, Reed Hastings balaie la question. L’argument de Netflix est clair : les gens regardent encore beaucoup la télévision. Et ce sont ces spectateurs que l’entreprise imagine récupérer, au fil des années, à mesure qu’ils se détachent des chaînes traditionnelles et leurs diffusions à horaires fixes.
« Nous anticipons une énorme croissance pour notre business », a appuyé Spencer Neumann, directeur financier de Netflix. « Si on reste concentrés, il y a un immense marché qui continue de se déplacer de la télévision linéaire vers la vidéo à la demande et le streaming.»
C’est pour insister sur ce point que Netflix a par exemple ajouté, dans sa lettre aux actionnaires du Q1 2019, un graphique censé montrer que le service américain ne représente pour l’instant que « 2 % du trafic mondial mobile » selon une étude de Sandvine (qui ne prend en compte ni la Chine ni l’Inde), soit bien moins que YouTube, Snapchat ou Facebook. Aux États-Unis, Netflix ne compterait « que » pour 10 % de la consommation quotidienne de vidéos dans un foyer.
Il y aurait donc encore beaucoup de place pour les solutions alternative de vidéo en ligne, affirme Reed Hastings. Avant l’arrivée de ces nouveaux géants, il portait déjà le même discours concernant la chaîne câblée HBO. « Il y a de la place pour tout le monde », répète-t-il régulièrement au fil des interviews. Paradoxalement, le patron de HBO, quant à lui, met la pression à ses employés pour que la chaîne privée crée beaucoup plus d’heures de « contenus » pour devenir, justement, un peu plus comme Netflix.
Quel public pour quelle plateforme ?
Il reste une grande inconnue que Netflix n’aborde que très peu : le public sera-t-il prêt à payer pour de nombreux abonnements à des services de SVOD différents ? Car la télévision, tout comme le streaming de jeux vidéo (Reed Hastings aime parler de Fortnite comme un concurrent dans la guerre du temps et de l’attention), ont un gros avantage : ils sont majoritairement gratuits. Or, chaque service de SVOD a un coût, que ce soit Netflix (7,99 euros par mois pour l’abonnement de base), Amazon Prime Video (49 euros l’année avec Prime), Canal+ Séries (6,99 euros par mois) ou le futur Disney+ (6,99 dollars par mois).
À la différence des services de streaming musicaux (Spotify, Apple Music, Deezer), toutes les plateformes de vidéo en streaming n’auront pas les mêmes contenus. Il faudrait donc techniquement s’abonner à plusieurs d’entre elles pour espérer accéder à un semblant d’exhaustivité. Mais le coût de tels abonnements additionnés peut être très conséquent. Les consommateurs auront-ils les moyens de se payer plusieurs abonnements ? Ou préfèreront-ils s’abonner au plus gros (Netflix), ou à celui qui leur correspond le plus ?
Ou bien faut-il envisager la généralisation d’une sorte de valse des abonnements, où, dans un futur proche, chacun choisit un mois d’essai par ci, un mois payant sans engagement par là, s’abonnant et se désabonnant à l’envie en fonction des nouveaux contenus qui entrent et sortent des catalogues. Une option qui paverait peut-être la voie à un nouvel âge d’or du piratage.
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