Ces derniers jours, on peut lire que Doconomy a inventé la carte bancaire écolo qui, au lieu de pousser le consommateur à l’achat, va l’inviter à réduire ses dépenses en lui montrant son impact environnemental.
L’idée, en soi, est loin d’être mauvaise : la carte de base propose de faire un bilan carbone des achats qu’elle effectue et de le montrer au possesseur pour le responsabiliser. C’est une manière de se rendre compte de l’empreinte réelle des objets que l’on achète, des habits aux produits technologiques en passant par les biens de consommation courante comme les fruits et les légumes.
La carte dite « black » va plus loin : elle présente une carte capable de bloquer les transactions quand le crédit carbone de l’utilisateur est dépassé. Avec, en prime, des solutions pour compenser ses émissions : investir dans des entreprises qui œuvrent pour un commerce plus durable ou dans des fonds qui œuvrent pour la planète. La carte en elle-même est conçue en pollution recyclée et propose une option de livret qui rapporte de l’argent en garantissant de financer l’économie responsable.
Le mouchard écolo n’existe pas (encore)
Problème : comment connaître l’empreinte carbone d’un achat ? À cette question, la startup Doconomy ne répond pas. Sa FAQ, dans laquelle on attendait clairement un paragraphe sur la méthode et les technologies employées, reste très évasive. La seule information que l’on ait, c’est qu’elle se passe sur le Åland Index, un projet finlandais mené par une banque, qui affirme pouvoir calculer l’empreinte carbone des achats grâce à des analyses statistiques des marchés et des partenaires locaux.
Et pourtant, la présentation laisse dubitatif : on voit tour à tour un panier de course et un trajet en taxi être évalué par l’index. Comment connaît-il les produits achetés par le client ou le véhicule qui a effectué le trajet ? Un achat de produits locaux, même dans une grande surface, a un bilan carbone moins élevé que des produits importés par avion. De même, un trajet effectué par un taxi électrique n’a pas le même bilan carbone qu’un trajet effectué par une voiture qui tourne au diesel. Et si on voulait aller encore plus loin, deux voitures au diesel qui ont 10 ans d’écart n’émettent pas de la même manière.
Le calculateur proposé par Åland Project confirme que l’algorithme ne fournit que des estimations basées sur des moyennes. Rien ne dit, dans l’exemple ci-dessous, que mes courses n’ont pas été faites chez un magasin spécialisé dans le circuit court ou que j’ai acheté du pain dans une boulangerie locale et non un dépôt de pain.
Restent alors deux solutions à Doconomy pour affiner ses mesures : demander à ses clients d’entrer manuellement les achats (et donc, potentiellement, d’entrer de faux achats green pour éviter à la carte d’être bloquée) ou nouer des partenariats avec certaines boutiques. Cette deuxième piste pourrait permettre, à l’achat, de doubler le processus : une information allant à Mastercard pour autoriser la transaction et une autre, par un autre moyen non défini par Doconomy, allant vers l’application pour renseigner sur la nature des achats.
Mastercard, de son côté, n’a pas accès à la nature des biens achetés par les clients : il connaît le montant, le magasin et la date de la transaction. Sur une carte Ticket Restaurant, c’est le système de caisse qui valide l’éligibilité des biens et non Mastercard, par exemple.
Est-ce utopique d’imaginer un nombre suffisant de partenariats et une rigueur des utilisateurs de la carte ? C’est ce à quoi devra répondre le lancement de Doconomy à l’été 2019, date à laquelle la startup a choisi de déployer ses fonctionnalités de suivi de l’empreinte carbone. À l’heure où ces lignes sont écrites, la communication de Doconomy semble être de meilleure facture que sa technologie.
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