Boeing continue de payer le prix fort pour les économies de bouts de chandelle qu’il espérait avec le 737 Max. Avec la grave crise que traverse le constructeur aéronautique américain depuis le printemps 2019, toutes les dépenses que l’entreprise aurait voulu éviter, y compris pour les compagnies aériennes clientes de l’industriel, vont sans doute s’avérer en réalité indispensables.
C’est le cas en particulier de l’entraînement des pilotes sur simulateur. À l’occasion d’un communiqué publié le 7 janvier, l’entreprise annonce recommander finalement « la formation sur simulateur de tous les pilotes de 737 Max avant la remise en service du 737 Max ». Cette annonce s’ajoute aux mesures que l’entreprise a annoncées pour assurer le fonctionnement sans risque de l’appareil, comme l’actualisation du logiciel de bord pour corriger son comportement en vol.
Avant le double crash du 737 Max, Boeing ne conseillait pas de former les pilotes au 737 Max. C’est ce que rappelle le New York Times dans son édition du 7 janvier : « Dès sa création, le Boeing 737 Max a été conçu pour permettre aux compagnies aériennes d’économiser les frais de formation de leurs pilotes sur simulateur de vol. Lors de l’approbation initiale de l’avion […], Boeing a fait valoir, lors de conversations avec [les autorités], que la formation sur simulateur n’était pas nécessaire ».
Un système inconnu des pilotes
Cette absence de recommandation apparaît rétrospectivement incompréhensible alors même que des employés de Boeing avaient justement repéré des problèmes avec l’avion dès 2016 en utilisant un simulateur. Précisément, c’est le comportement du MCAS (soit Maneuvering Characteristics Augmentation System), un système servant à stabiliser automatiquement l’aéronef en vol, en l’empêchant de décrocher et de partir en piqué, qui posait des difficultés.
Or, l’existence du MCAS n’était pas connue des pilotes, du moins au début de l’exploitation de l’appareil. En conséquence, faute d’entraînement, ils ne pouvaient pas savoir comment bien réagir en cas d’activation de ce dispositif, qui avait été imaginé pour compenser les changements de physionomie de l’avion. En effet, le 737 Max embarque de nouveaux moteurs, qui consomment moins de carburant, mais qui sont plus lourds, utilisent des pales plus longues et présentent une entrée d’air plus importante. Tout cela a une incidence sur les conditions de vol, que le MCAS cherche à ajuster.
Le problème, c’est qu’il a été observé que ce mécanisme a tendance à s’activer de façon intempestive. Ce souci aurait-il pu être repéré par la FAA, l’autorité chargée de la supervision de l’aviation civile aux USA ? La question demeure, d’autant que le niveau de ses agents est remis en cause. Il est vrai que des témoignages chargent l’agence, notamment pour avoir laissé à Boeing le soin de certifier lui-même le MCAS, plaçant l’entreprise dans une position anormale de juge et partie sur un élément critique.
L’affaire du 737 Max représente certainement la plus grave crise de l’histoire de Boeing et sans doute l’un des désastres industriels les plus importants de l’histoire de l’aviation civile. L’avion, cloué au sol dans le monde entier depuis mars 2019, ne sait toujours pas quand (et même si) il pourra reprendre le chemin des pistes. L’affaire a conduit l’ex-PDG de Boeing à la démission et la production de l’avion va être suspendue en janvier 2020. Et comme une banderille finale, même si la FAA valide le retour en activité du 737 Max, le reste du monde, à commencer par l’Europe, ne suivra pas forcément son avis.
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